L'histoire authentique de Pierre et Louise a déjà fait l'objet d'un livre, d'une excellente BD (Mauvais genre) et maintenant d'un film. André Téchiné aura bientôt 50 ans de carrière derrière lui et il est évident que la reconstitution historique de la guerre de 14 et du Paris des années 20 ne l'intéressent absolument pas. Pour contourner l'obstacle il théâtralise son sujet et bouscule la chronologie. Finement joué car pour ce qui le concerne, et nous pareillement, c'est l'histoire fascinante de ce couple qui le meut à partir de la transformation en femme de Pierre, le déserteur. Cette confusion des genres n'est pas qu'une mascarade, c'est un mode de vie qui s'instaure entre deux, pardon, trois personnages, celui de Louise n'étant pas le moins important. A des scènes de quotidien des ouvrières, qui rappellent le cinéma de Jacques Becker, répond la débauche des nuits du travesti. Téchiné ne cherche pas l'émotion ou l'action à tout prix, ce qui l'isole des principaux cinéastes d'aujourd'hui, ni même une éventuelle vérité, inatteignable, mais offre son regard, scrutateur et somme toute bienveillant. Comme il n'est ni Fassbinder ni Fellini, il s'interdit le baroque, ce qui peut paraître terne aux yeux de certains, ce qui n'est pourtant pas le cas pour peu qu'on se donne la peine d'apprécier le style classique du cinéaste, loin d'un soi disant académisme, terme tellement galvaudé et facile pour signifier que l'on n'a pas aimé. Et s'il est une chose dont ne manque pas Nos années folles, c'est bien de personnalité. Pierre Deladonchamps poursuit son parcours sans faute avec finesse mais que dire de Céline Sallette ? Dans un rôle qui pouvait n'être que de faire valoir, elle incarne la passion amoureuse et la constance mais aussi la révolte, quand le temps est venu, avec brio. Elle est magnifique comme une héroïne de Renoir.