Je ne suis pas une grande fan d'André Téchiné. Il réalise très bien des films originaux, qui pourraient être sensibles mais sonnent souvent faux et qui m'accrochent bien rarement. En général, je trouve que ses héros, si je les rencontrais dans la vie, ils m'apparaîtraient comme très antipathiques.
Avec Nos années folles..... ça ne rate pas.
Ce qui est hallucinant, c'est que ce soit une histoire vraie, et que personne jusqu'ici ne s'en soit encore emparé!
Paul Grappe est sur le front pendant la Grande Guerre. C'est aussi un jeune marié très amoureux. Avec Louise, ils forment un couple fusionnel. Paul ne veut plus faire la guerre. S'est il délibérément coupé un doigt? On ne le sait pas trop mais, lorsqu'il est jugé comme apte à retourner au front, il déserte. Arrive à retourner chez Louise qui vit chez sa pittoresque (elle fume la pipe) grand mère concierge (Virginie Pradal), et qui travaille comme couturière dans un petit atelier apparemment plutôt spécialisé dans le très chic. Bien le début: l'ambiance de guerre, avec ces hôtel miteux où les soldats en permission peuvent rencontrer leurs femmes et où des demoiselles attendent ceux qui n'en ont pas, de famille; l'ambiance de ces petits ateliers, de la vie ouvrière avec de la solidarité et des moments de rigolade.
La première question, c'est :pourquoi a t-il déserté? Etait ce un lâche? A vrai dire, j'ouvre une parenthèse: pour moi, la question qui se pose c'est plutôt: pourquoi n'ont ils pas, tous déserté..... Pourquoi ces jeunes gens se sont ils laissés massacrer pour rien? Comment des leaders pacifistes et internationalistes, au sein des deux camps, n'ont ils pas émergé de leurs rangs pour les pousser à la révolte? Les historiens n'ont pas de réponse, il y avait bien sûr la peur du peloton d'exécution, mais aussi sans doute un sentiment patriotique bien entretenu par la propagande.... et je referme ma parenthèse.
Bref il faut cacher Paul, qui est recherché; il y a, certes, une cave bien dissimulée, mais il y devient fou et Louise a une idée: pour qu'il puisse sortir, il faut le transformer en femme. Paul refuse, Paul renacle, et quand enfin il admet son double en jupons qu'il baptise Suzanne, il file aussitôt tapiner au Bois de Boulogne. Autant le dire: Pierre Deladonchamps dans ses paillettes et ses bijoux est le travelo le plus grotesque que l'on puisse imaginer. Ca n'enlève rien à ses performances d'acteur (mais on aimerait le voir un jour dans un rôle "normal"...
Qu'il tapine, avec des individus de tous sexes, ne dérange pas Louise. Qui l'accompagne au Bois de temps en temps, sans qu'on sache très bien si elle participe ou se contente d'assister. En tous cas, elle cède avec l'approbation maritale aux avances de Charles de Lauzin (Grégoire Leprince-Ringuet), héros, lui, de la guerre et fana-mili ce qui ne l'empêche pas d'organiser dans son hôtel particulier au décor surchargé des partouzes à accouplements multiples. Assez grotesques aussi, il faut bien le dire. Mais Céline Sallette est impeccable. Elle défend son personnage. Pourtant elle est bien difficile à comprendre cette jeune femme qui semble si lisse, si normale, toujours amoureuse. Elle est trop jolie, trop décente. Quand on voit les photos des "vrais" Paul et Louise, on est morts de rire. Ah, les tronches de dégénérés!!!
Et oui, le problème est là: pour qu'un réalisateur nous entraîne à prendre du plaisir, voire un plaisir extrême..... avec des personnages aussi tordus, il faut qu'il s'appelle David Cronenberg, ou Brian de Palma... Mais sûrement pas André Téchiné, à côté de ses pompes (et de son registre
Téchiné, pour aérer son récit a imaginé qu'après l'amnistie des déserteurs, quand enfin Paul pourrait (et peut) renaître au grand jour, Samuel, un metteur en scène délirant à houppette (Michel Fau égal à lui même....) monte un spectacle avec sa vie ce qui structure le film.
Mais, ce qui n'est pas exposé au public dans le spectacle de Samuel, c'est que Paul n'est pas redevenu Paul..... qu'il se sentait mieux dans la peau de cette Suzanne.... qu'il ne veut pas revenir dans la peau de Paul.... qu'il a envie de remettre ses paillettes et de redevenir "Suzanne la garçonne" au Bois....
Et quand un garçon arrive au couple, dont Paul ne veut pas mais que Louise arrive à garder, un bébé adorable mais plutôt chouignard.... que la jeune femme en vient à se réfugier chez Charles.... tout ne peut que mal finir.
Bref la dimension délire manque totalement à ce film plat malgré de fausses outrances.