Claire Simon a voulu faire ce documentaire centré sur le concours d’entrée à la Fémis suite à plusieurs événements qui se sont succédé dans sa vie. La cinéaste était ainsi tout d'abord directrice du département réalisation au sein de ce prestigieux établissement et a dû faire passer le concours à plusieurs reprises. Elle se rappelle :
"C’est vrai pour chaque département. On est les seuls représentants de l’école dans le concours. C’est important : les jurés, à part cette exception, ne font pas partie de l’école. J’ai fait passer le concours avec Abderrahmane Sissako, qui était président. Par sa place de cinéaste africain, Abderrahmane interrogeait plus volontiers leur rapport au monde… C’était très intéressant et on se disait tous les jours : « Quel dommage de ne pas filmer ce qu’on voit, l’énergie et le désir des jeunes gens ! ». Pour les jeunes gens qui se présentent au concours, comme pour les professionnels qui sont les jurés, l’enjeu est si fort que je pensais qu’il fallait le filmer."
La cinéaste Claire Simon a d'abord pensé à faire un film sur la transmission du savoir à la Fémis mais a finalement jeté son dévolu sur le célèbre concours propre à cette école nationale. Le Coucours n'est donc pas un film sur cet établissement au sens large mais sur la façon dont on y rentre (ou pas). "La langue de ce film allait avoir ce ton terrible de l’examen, du jugement, de l’épreuve. Ce ton que l’on connaît dans notre société quand on cherche un travail, un appartement, une place… C’est une épreuve et nombreux sont ceux qui veulent s’y soumettre…", explique la réalisatrice.
Claire Simon a cherché à filmer un système de sélection dépassant le cadre de la Fémis et pour elle ce système est indissociable du fonctionnement de notre société : "C’est ce qu’on appelle la méritocratie républicaine depuis la Révolution française… Et le concours de la Fémis est très vertueux de ce point de vue, à toutes les étapes, visant à préserver l’égalité entre les candidats. Les jurés changent souvent et sont compétents. Il existe un fort souci d’équité dans les discussions, les délibérations, les choix. Un ami américain éclatait de rire quand je lui racontais ça, répliquant en se moquant : « Mais si un gars arrive avec une lettre de Depardieu, il sera pris ! ». Et bien non, justement, cette lettre personne ne la lira, il ne saurait même pas à qui la donner ! Ça ne marche pas comme ça."
Une des choses ayant frappé Claire Simon dans cette prestigieuse école de cinéma qu'est la Fémis réside dans le fait que son concours ne parvient pas à s’adresser à la réalité de toute la France (malgré le fait que les candidats reçus sont bons et feront tous pour la plupart de bons professionnels). Elle développe : "Ce qui est frappant au contraire, c’est combien le système du concours, massivement, implacablement, reproduit du même. Et cela ne fonctionne pas que du point de vue artistique : socialement et dans la diversité des origines, il y a peu de pauvres et peu de couleurs dans la photo finale des reçus."
Claire Simon voulait qu'en voyant ce documentaire le spectateur apprenne des choses sur le cinéma en tant qu’art mais également en tant que corporation. Elle développe : "Et qu’on y découvre la corporation du cinéma qui comme toutes les corporations professionnelles est un monde en soi avec ses jeunes, ses vieux, ses maîtres, ses exclus et ses stars… Ce qu’on retrouve à la fin du film quand on s’aperçoit que la photo générale de la promotion n’est pas la dernière : ensuite, chacun, individuellement, est pris en photo selon un rituel qui fait penser au photocall cannois. Et tous jouent le jeu, c’est normal : désormais, ils en sont…"
Le Concours a reçu le Prix du meilleur documentaire cinéma à la Biennale de Venise 2016. A noter que la réalisatrice Claire Simon est une habituée du documentaire et plus globalement des plongées cinématographiques ultra documentées dans des univers très concrets. En témoignent par exemple le film de fiction Gare du Nord se déroulant dans la célèbre gare parisienne ou encore le documentaire Le Bois dont les rêves sont faits centré sur le fameux Bois de Vincennes à l'est de Paris.
C'est parce que le concours de la Fémis est aussi bien un théâtre qu'une machine où se joue ce désir d’être au sommet de la société en étant un artiste que Claire Simon n'a, dans son film, pas voulu se centrer sur tel ou tel candidat en particulier. La réalisatrice a davantage voulu filmer ce système dans sa globalité. Elle explique :
"J’ai voulu filmer un système par ses épreuves qui ne sont que des affrontements, filmer celui qui parle et d’autres qui écoutent. A quel moment on voit dans le visage de l’un ce qui se passe sans qu’il ne dise rien, l’effet que fait la parole du candidat sur le jury… et vice versa… Le candidat, le jury et moi formons un triangle et je filme ce qui se passe entre un camp et l’autre me sentant alternativement d’un côté comme de l’autre."