------ Attention, cette critique contient des dévoilements de l'intrigue. -------
Après l’excellent Elephant Man, je ne pouvais que me plonger dans ce Blue Velvet, considéré comme un classique.
Je trouve que finalement, celui-ci se rapproche grandement du très bon Mulholland Drive.
J’ai pu constater que ce film est considéré comme un des plus « accessibles » de Lynch, de par son scénario compréhensible, et de par le fait que le spectateur se laisse porter par l’intrigue, sans réellement réfléchir.
Néanmoins, l’intérêt de ce film se trouve plus dans sa forme que dans son fond.
Dès le début du film, on retrouve le style Lynchéen ; les couleurs (qui jouent un rôle primordial dans le film, nous y reviendrons) sont saturées ; les fleurs que l’on voit en gros plan sont trop « parfaites » pour être réelles ; les maisons semblent rappeler une certaine vision de « l’Amérique idéale », avec un homme qui arrose son jardin ; d’ailleurs, celui-ci a une crise cardiaque de façon totalement absurde, juste après que l’eau du tuyau ait été bloquée.
Ainsi, sans prévenir et sans un moindre soupçon, Lynch vient de nous offrir sur un plateau d’argent l’élément déclencheur de l’intrigue ; l’homme qui arrose n’est autre que le père de Jeffrey ; celui-ci va dès lors lui rendre visite à l’hôpital, et, sur le chemin, trouver une oreille humaine.
Le film se rapproche de Mulholland Drive dans le sens où le rêve est très présent dans le film. Comme dit plus haut, dès les toutes premières minutes du film on doute de la véracité des scènes improbables que l’on vient de voir.
Cette allusion au rêve se fait tout d’abord entre Jeffrey et Dorothy ; ce sont deux âmes tourmentées. Jeffrey adore les « mystère » comme il le dit, et sa relation avec Dorothy qui est plus qu’improbable lui permet de comprendre qui il est vraiment. D’ailleurs, c’est bien Sandy qu’il aime, mais toutefois, le soir, il rend visite à Dorothy, mais dans quel but ? L’aider ? La charmer ? Celle-ci l’appelle « mon amant secret ».
Le rêve est poussé à son paroxysme avec Franck, ce sociopathe ou plutôt psychopathe qui brutalise Dorothy. Il se considère, lorsqu’il est drogué, qu’il est un « bébé » et que Dorothy est sa mère. Le soir, quand il la voit chanter au « Slow Club », il sent son morceau de velour bleu appartenant à Dororthy ; le côté fétichiste ressort ici et suivra Franck tout le film.
La musique a par ailleurs, une très grande place dans ce film ; on peut le constater de par la présence de l’oreille dès le début du film, alors que celle-ci est somme toute anecdotique ; à qui appartient-elle ? Qui l’a découpée ? Franck ou un autre homme ?
Dès lors, la musique « In Dreams », lorsque Franck va chez Ben, un homme déjanté et dont le visage blanc est caractéristique d’une forte accoutumance à la drogue, parle de « sand man », ou plutôt marchand de sable, et de rêves ; on voit Franck s’extasier devant cette musique au début, comme si justement il attendait le marchand de sable, comme si Franck voulait s’évader mentalement ; puis il s’énerve finalement, et pars. C’est d’ailleurs la phrase la plus significative du premier couplet que Franck chantonne en même temps que Ben ; « Go to sleep, everything, is alright ». Je trouve cette scène grandiose de par la profondeur des plans, les couleurs fades à la façon de Lynch et cette improbable situation.
Aussi, on peut remarquer qu’un des ami de Franck dit à Jeffrey, juste avant que Ben fasse mine de chanter, « tu vas voir », et que Franck dit à Ben « à jeudi prochain, alors » ; ces phrases anodines nous montrent que le rendez-vous entre Franck et Ben est hebdomadaire ; Franck s’évade un court instant par le biais des drogues et de cette musique, musique qu’il remettra un peu plus tard lors de sa terrible virée avec Jeffrey.
Juste pour information, Lynch a sorti un album s’intitulant « The Big Dream », ce qui montre à quel point le rêve est présent dans ses œuvres.
Mais – bien évidemment – il n’y a pas que le rêve, il y a surtout le sexe. On peut dénoter comme l’ont déjà fait certains toutes les petites allusions au sexe ; le tuyau d’arrosage au début, le pistolet braqué, etc. La luxure est poussée au maximum.
Car l’intrigue tourne finalement autour de cette relation sexuelle entre Jeffrey et Dorothy, celle-ci étant déjà l’esclave sexuelle de Franck.
Ainsi, le film dérange, dans le rapport qu’il a au sexe ; la scène où Franck viole Dorothy est insoutenable ; Jeffrey fait des cauchemars de lui en train de battre Dorothy, après qu’elle lui ait demandé, pour la « soulager » en quelque sort, celle-ci étant traumatisée par Franck qui la brutalise tout le temps.
Ce qui est d’autant plus appréciable dans ce film, ce sont les magnifiques effets de lumières et de couleurs qui sont une des touches privilégiées de Lynch (comme dans Mulholland Drive, encore une fois). Et justement ces effets collent au rapport au sexe, et au rêve.
En effet, lorsqu’il fait noir (« It’s dark know… »), Franck se déchaine et devient le psychopathe déchainé et avide de sexe. Comme si la lumière était la seule chose qui lui permettait de ne pas flancher, tel un prédateur nocturne.
On a une claire distinction des couleurs froides, comme le bleu, élément principal du film, lorsque Dorothy chante au « Slow Club » et peut, somme-toute, s’évader l’espace d’un instant.
La profondeur des plans mérite aussi d’être applaudie, je pense notamment à la scène chez Ben, à la scène au septième étage de l’immeuble de Dorothy.
En bref, j’ai beaucoup aimé ce film, qui trouve son véritable intérêt dans la réalisation exceptionnelle de David Lynch.