Amalric cherche, comme Gus Van Sant. Ces deux-là sont des chercheurs tellement humains, c’est-à-dire pas forcément puissants (ce qu’ils sont quand même dans l’intention). Gus Van Sant cherchait le fou de Nirvana dans « Last Days » ; Amalric cherche la folle de la Grange au Loup dans « Barbara ». Aucun n’y parvient, mais le chemin pour y parvenir passe dans un jardin rempli de parfums inconnus, mais enivrants, malgré les ronces. C’est un plaisir sans nom, pour ceux qui sont sensibles à ce genre de création, évidemment –mais pas pour ceux qui s’attendaient à une œuvre démonstrative, définitive, fermée, sur le phénomène Barbara. Il n’est donc pas étonnant que le film ait été à Cannes dans la rubrique « Un Certain Regard », car cette enquête impossible, la naissance des chansons, mystère qui reste entier souvent, c’est celle de Barbara (et sans doute celle de Balibar). A un moment, Barbara dit « tout vient ensemble », et en effet, rien des origines de ses chansons n’est identifiable précisément. Cette enquête impossible c’est peut-être aussi celle du metteur en scène Amalric quand il fait un film… Donc ce film n’est pas un film sur la vie de Barbara. On peut même affirmer qu’il n’existera jamais un tel biopic. Ce n’est pas non plus un concert de Barbara (le cinéma n’est pas fait pour cela). Ce film semble inachevé, mais pouvait-il l’être ? Ce film est-il un film sur Mathieu Amalric –apprenti-sorcier ? Serait-ce un film sur Jeanne Balibar ? Magnifique personne / personnage. Ce film c’est tout à la fois, c’est un film sur la création artistique, c’est un film sur le film, sur ses auteurs, sur ses acteurs. C’est un essai. Mais c’est quand même un film sur Barbara, qui est bien sûr plus qu’un prétexte. Elle chante comme elle parle et inversement, et c’est un ravissement. Ses chansons occupent le centre du film, et c’est un étourdissement du cœur, même quand elle boit un verre ou qu’elle déjante (elle, ou Balibar, ou l’imagination du metteur en scène, peu importe). S’il est vrai que Barbara ne connaissait pas le solfège, il faut croire qu’elle avait la musique dans ses gènes, ou, plus vraisemblablement, logée dans quelque repli animal du cerveau.