L’Amérique n’est jamais aussi fascinée par ses princesses et ses petites fiancées que lorsqu’elles explosent en vol. Ainsi, avant Britney Spears, il y eut Tonya Harding, patineuse artistique, elle aussi blonde et prolo, qui fut au centre d’un fait divers rocambolesque lorsque sa rivale, Nancy Kerrigan, fut attaquée à coup de barre à mine quelques semaines avant les Jeux olympiques d’hiver de 1994. L’enquête démontra ultérieurement que Harding elle-même n’était pour rien dans l’agression, qui avait été manigancée par son ex-mari et son entourage pour d’obscures raisons mais le scandale fut tel qu’il brisa net sa carrière pourtant prometteuse, après une prestation calamiteuse à Lillehammer. Bien que la pression médiatique autour d’elle retomba sitôt que la presse flaira un nouvel os (en l’occurrence, le procès de O.J. Simpson), Tonya Harding connut un autre phénomène bien américain puisque son nom devint un phénomène culturel - quelques années plus tard, on aurait dit un ‘Meme’ - alors même que la personne qu’elle était sombrait dans l’oubli et l’obscurité. Dynamitant les conventions du biopic, le film de Craig Gillepsie oscille entre story-telling traditionnel et reconstitution, avec les acteurs, des interviews surréalistes qui furent données par tous les protagonistes de l’histoire pendant et après le scandale. Cette manière d’aborder le sujet confère une coloration éminemment subjective à l’ensemble puisque face caméra, chacun y va de ses explications et de ses justifications embrouillées et proteste de sa bonne foi et de sa probité. C’est une manière de prendre la “Vérité� du biopic standard, qu’il taille des costards ou grave les légendes dans le marbre, à rebrousse-poils : en tout logique, les récits d’ascension et de chute dans lesquels, malgré le courage et l’abnégation déployés, les rêves volent en éclats, constituent une base idéale pour un traitement à l’américaine, débordant de pathos, de mélodrame et de leçons de vie appuyées. Ici, rien n’est fantasmé, rien n’est éludé ou même édulcoré, on est même en peu chez les “Affreux, sales et méchants� en version Oregon: entre un père qui l’abandonne toute petite à une mère infecte, psychologiquement destructrice et dépourvue de la moindre capacité affective, un mari idiot et violent épousé bien trop jeune et un entourage de crétins mythomanes, on s’étonne même que Tonya, malgré son agressivité et sa pugnacité, ait pu arriver à quelque chose dans la vie...mais cet exposition mi-navrée mi-amusée du quart monde américain fait en sorte qu’on finisse par éprouver une authentique compassion envers un personnage foncièrement peu attachant.