Bienvenue dans le monde du patinage artistique, un monde pas aussi radieux qu’on pourrait l’imaginer, loin s’en faut. L’histoire de Tonya Harding en donne l’illustration et c’est une histoire authentique. Le 6 janvier 1994, à Detroit, dans les vestiaires d’une patinoire, un homme frappe à coups de matraque les jambes de Nancy Kerrigan, membre de l’équipe olympique américaine de patinage artistique. Cela se passe peu avant les Jeux de Lillehammer, en Norvège. L’enquête démontre rapidement que c’est le mari d’une autre patineuse, Tonya Harding, qui est à l’origine de ce forfait. Ce qui entraîne, pour cette dernière, après la compétition olympique, une interdiction de patinage à vie.
Tonya Harding était-elle vraiment impliquée dans ce délit ? Son mari a-t-il commandité le forfait avec l’accord de la patineuse ? Pas si sûr. Craig Gillespie remonte aux sources de l’événement, construisant son film à la manière d’une enquête précisément, mais d’une enquête de personnalité, cherchant à retracer le parcours d’une vie. Or si, malgré ses talents et ses succès, la patineuse a toujours été plus ou moins déconsidérée dans le monde du patinage artistique, c’est, en grande partie, à cause de son milieu social. Elle est issue de ce qu’on nomme, en Amérique, « white trash », c’est-à-dire le rebut de la population blanche, ceux qui n’ont pas « réussi », les pauvres.
C’est LaVona (Allison Janney), la mère de Tonya qui, dès sa petite enfance, a fait d’elle une championne de patinage, exigeant d’elle un total dévouement. Non pas pour le bien de l’enfant, mais pour échapper à la malédiction de la pauvreté en devenant la mère d’une star du patinage. Cette mère intraitable et égoïste, Tonya, devenue elle-même une jeune femme, la quitte sans regret, on n’en est pas surpris, mais pour se jeter dans les bras de Jeff Gillooly (Sebastian Stan), un homme qui, dès après les premières effusions, montre son vrai visage, celui d’un homme aussi violent que stupide. Tonya a beau être une excellente patineuse, elle semble ne pas pouvoir se libérer de sa condition, de ses origines : ses goûts vestimentaires et ses choix musicaux eux-mêmes la disqualifient quelque peu au regard des experts de la discipline.
Avec de tels personnages, il est difficile d’éviter totalement l’exagération ou, en tout cas, une impression d’exagération. Heureusement, Margot Robbie, l’actrice qui joue le rôle de Tonya Harding, reste toujours totalement crédible. Elle donne à son personnage le mélange de force et de vulnérabilité qui convient. Quant au déterminisme dont elle semble être la prisonnière, un déterminisme que nous aimerions contester, contre lequel nous voudrions nous révolter, il nous interpelle à bon droit.