Biopic anticonformiste car mettant ici en valeur la « méchante », très connue et décriée par « l’histoire Kerrigan - Harding », “Moi, Tonya“ décide de traiter son histoire par la vilaine porte, la moche et la moins élogieuse, et c’est tout en son honneur. Le scénario met en scène une Tonya Harding, femme pugnace, ambitieuse et meurtrie, mal aimée dans son sport, violentée par ses proches, destinée aux abîmes mais formatée (malgré elle?) à la descente aux enfers. Le film insiste énormément sur son entourage nocif (sa mère, son mari, son garde du corps) comme responsable de ses actes et comportements, et ferait presque passer comme innocente son personnage principal. C.Gillepsie a une empathie basée sur un cynisme affectif envers son personnage, et moqueuse par la bêtise de ses coachs, se défend de toute louange gratuite, et fait le bon choix en mettant en scène un personnage antipathique et arrogant qu’on s’étonne finalement à apprécier sans pardonner. Au final, il est bien plus intéressant de traiter du parcours de la sportive atypique plutôt que de s'attacher uniquement sur l’affaire médiatique et juridique, voire de mettre en valeur le contre-poids gentillet de N.Kerrigan (quasiment pas traité ici). Il fallait une belle hauteur et une vulgarité bien gracieuse pour interpréter Tonya Harding, et M.Robbie est particulièrement convaincante. Son incarnation investie fait énormément à la réussite de ce film. La prestation et les dialogues attribuées à A.Janney resteront aussi longtemps gravés dans nos mémoires. Réalisation soignée, dynamique, avec une belle reconstitution 90’s dans ses images comme dans ses sons, ainsi que dans ses effets de reconstitution et de vraies-fausses interviews, le réalisateur s’empare du sujet avec beaucoup d’audace. Les cadrages lors de scènes de patinage feraient passer les compétitions de patinage artistique télévisées comme ringardes. On peut regretter néanmoins que le film prend parfois des tournures de comédie et le terrain d’un humour un peu forcé qui atténue parfois le sérieux de son sujet. A-t’il vraiment besoin d’insister par des gags appuyés sur les situations grossières des manigances de l’entourage de T.Harding, pas si drôles et suffisamment explicites par la débilité des actes eux-mêmes? Et même si le clin d’oeil peut faire sourire, il y a beaucoup trop de Harley Quinn dans l’interprétation de M.Robbie (jusqu’à ce sourire lors d’une scène irréelle où elle frappe N.Kerrigan). Peut-être parfois victime de ses effets de style un peu tapageur, “Moi, Tonya“ a la lame affutée et glaçante, qui fait glisser le film vers un flip ravageur, loin des figures imposées et élogieuses, en combinant bonnes notes artistiques et techniques. T.Harding n’aura pas convaincu ses juges sportifs, mais son biopic convaincra sans triche les cinéphiles.