Longtemps considéré comme l'un de ses plus grands chef-d'œuvre, « La mouche » de Cronenberg n'a rien perdu de son efficacité. Il s'agit ici du remake d'un film déjà excellent pour l'époque: « La mouche noir » (titre anglais: « The fly »), classique du cinéma des années 50 avec notamment le grand Vincent Price. Point commun entre les deux œuvres: les suites qui se sont essayées ont sombré dans le ridicule (surtout les suites de l'originale). Si l'histoire du premier film a servi de base pour Cronenberg, ce n'en est pas moins SON film. Ils n'ont presque rien à voir l'un avec l'autre tant l'ambiance et le buts des films sont différents. Le premier constituait plus une intrigue dramatique sur fond de science-fiction fantastique, le deuxième constitue une intrigue fantastique sur fond dramatique. Les deux œuvres sont prodigieuses et méritent (aussi bien l'une que l'autre) que l'on s'y attarde. Avec une telle histoire (fortement renouvelée), le style et le perfectionnisme de Cronenberg ne pouvait que triompher. Il s'entoure d'une équipe technique d'exception, les effets spéciaux sont brillants de réalisme et, je dois dire, parfois carrément écœurants (évitez de manger devant ce film). On assiste également à une prouesse d'acteurs, particulièrement Jeff Goldblum qui obtient l'un de ses meilleurs rôles, un rôle très complexe: il y a en effet une évolution fulgurante au niveau de son caractère dans le film et la tension se base notamment sur cette évolution. En effet, après s'être fait téléporté avec la fameuse mouche, il en ressort indemne dans un premier temps mais progressivement, il devient physiquement et mentalement un insecte (= fusion de lui et de la mouche). Il devient de plus en plus inquiétant, il a des réactions violentes mais derrière tout ça, son personnage tendre du début refait parfois surface. À ces côtés, il y a Geena Davis dans ce rôle de femme très amoureuse de lui qui, malgré ses malformations, tente de lui apporter toute son aide, son soutien et son amour. Donc, un rôle très compliqué mais endossé avec talent par Jeff Goldblum, le futur inoubliable docteur Malcolm dans « Jurassic Park » et l'indécrottable crapule du premier « Un justicier dans la ville » (premier rôle au cinéma). Je me rappelle de ma première vision de « La mouche » de Cronenberg, je me souviens de cette tension présente à chaque fois que Véronica rentre dans le labo, on ne sait jamais où Brundle(-mouche) se trouve ni à quoi il ressemble vu que cela va de mal en pis. Eh bien, je viens de le revoir pour la Xième fois, et il me plait toujours autant. Le cinéma dérangeant n'a jamais été aussi bien mené que par notre canadien préféré: c'est toujours d'une efficacité légendaire! Vous remarquerez un jeu de caméra exceptionnel, une photographie des plus soignées et, comme d'habitude, de l'érotisme (très soft ici): la scène où Brundle demande un objet personnel pour démontrer que sa machine fonctionne et que Véronica choisit son bas nylon est très sensuelle. Aujourd'hui, Cronenberg se lance dans des styles très différents et c'est tout à son honneur, d'autant plus qu'il nous sert des perles rares comme « Les promesses de l'ombre » ou « A dangerous method », etc...