Deuxième film de Guillaume Senez après "Keeper" (2016), "Nos batailles" a fait partie de la sélection de la Semaine de la Critique au festival de Cannes. Objet de nombreux éloges, il s'est avant tout fait remarquer pour sa justesse globale ainsi que pour le rôle de Romain Duris qui serait l'un des meilleurs de sa carrière. Entre drame intime et drame social, le film aborde des problématiques cruelles d'actualité sans jamais faire peser la balance du côté d'un quelconque misérabilisme ou d'un pathos tire-larmes...
Chef d'équipe dans une entreprise chargée d'expédier des colis, Olivier se bat contre les injustices pour sauver ses collègues. Mais du jour au lendemain, sa femme quitte le foyer sans explications, le laissant ainsi dans l'ignorance avec leurs deux enfants. Olivier doit alors redoubler d'efforts pour concilier vie de famille et vie professionnelle, sans savoir si elle rentrera un jour.
Bien que grave et qu'émotionnellement fort, "Nos batailles" n'adopte pas un ton fataliste. Ce portrait de famille en crise se tisse avec optimisme et amour, porté par l'élan bienveillant de Romain Duris. En fait, c'est assez déconcertant car le réalisateur se saisit de cette réalité sociale et précaire où l'équilibre fragile de certaines familles peut s'effondrer au moindre problème, à l'image d'un château de cartes. Ici, c'est la mère qui disparait sans laisser de messages derrière elle. Son absence est l'enjeu du long-métrage que son mari va tenter de combler pour éviter que le foyer se disloque totalement. Pour rendre encore les acteurs plus sensibles, les dialogues ont une texture singulière où les mots se cherchent, bégayent et se répètent. Le ton de justesse est justement dû aux chevauchements des dialogues, à l'improvisation et aux petits accidents d'élocution que le septième art a généralement tendance à supprimer. On sent les acteurs libres dans leurs luttes, plus vrais et du coup plus touchants et sincères. Cela rend "Nos batailles" simplement beau et humain. Notre coeur est serré, sans apitoiement ni jugement.
En plus de ce combat intime et personnel, Olivier est sujet aux tensions et aux injustices de son entreprise. On sent l'envie radicale et ferme du réalisateur de montrer la charge mentale que le monde contemporain fait peser sur chacun d'entre nous. Cette chronique sociale est davantage violente et se marie parfaitement avec la sphère familiale, même si avec cette surenchère de problèmes, on s'attend à un point de non-retour. Management qui fonctionne par menaces, rythme de travail infernal, conditions de travail dégradantes, médecine du travail complice de la direction, compétitions, "Nos batailles" est édifiant de réalisme. C'est bien plus cruel et ça a bien plus d'impact que n'importe quel reportage du journal télévisé car on s'attache à Olivier, à son sens de la justice et à sa personnalité combative !
Vous allez me dire, ça fait un peu beaucoup pour un seul homme, non ? C'est aussi ce que j'ai pensé à ma sortie du cinéma mais Romain Duris sert si bien son personnage qu'on en perd l'accumulation excessive de problèmes. De toutes les scènes, il impressionne par sa large palette d'émotions. On aperçoit sa force mais aussi ses faiblesses et ses contradictions à travers son rôle de mari abandonné, de père courage, de frère, de fils, d'amant, d'ami... Les enfants sont justes dans ces situations éprouvantes tout comme les partenaires féminines qui pulsent une énergie réconfortante et bénéfique au personnage d'Olivier. Sans donner la réponse qu'on attend en tant que spectateur, "Nos batailles" est un film simple, courageux, sincère qui donne du baume au coeur et qui fait réfléchir sur notre état, nos problèmes, nos relations, nos batailles.