Assis dans la carcasse d'un bus perdu au milieu de nulle part, un jeune couple d'amoureux serré l'un contre l'autre, se remémore les trop beaux, mais trop fugaces instants qu'ils auront passés ensemble. Ils se tiennent ainsi afin de profiter de leurs derniers instants de bonheur en commun, mais surtout afin de se donner mutuellement courage pour le Grand Voyage qu'il s'apprêtent à faire. Un départ sans retour, puisque leur belle et première histoire d'amour, est définitivement contrariée et refusée par leurs familles respectives.
Quelques instants plus tard, deux "hirondelles" vont passer à vélo et trouver le jeune couple endormi pour l'éternité.
Commencent alors de multiples flash-backs qui vont structurer tout le film et nous révéler ainsi les tenants et les aboutissants de ce drame. De la genèse de ces premières amours à cette inéluctable fin.
En 1951, en serions-nous toujours aux Montaigu et aux Capulets ?
L'enquête sur le suicide de ces jeunes va permettre au film de se muer alors en un virulent pamphlet, en un réquisitoire d'une férocité rarement vue à l'écran sur l'inhumanité, le cynisme, l'égoïsme, la duplicité de certains parents pour qui les apparences, leurs intérêts et les distances à maintenir entre les classes sociales, sont les pierres angulaires passant avant le bonheur de leur progéniture. Gare à cette dernière qui souhaiterait s'émanciper de ces règles ! (Comme va tenter de le faire le jeune couple amoureux du film, joué de façon sobre, émouvante et déterminée par Dany Robin et Daniel Gélin...)
Les Adultes et leurs enjeux mesquins vont d'abord s'occuper de leur cas, la Mort le faisant ensuite bien assez tôt.
Un inspecteur de police, (Fabuleux Louis Jouvet dans son dernier rôle, aussi retors qu'obstiné !) va chercher les causes, mais surtout les "coupables" de cet insupportable gâchis qu'est le suicide de deux jeunes qui s'aimaient, tout simplement.
Rien ni personne ne sera épargné, et aucune des deux familles ne sortira exemptée de ses manquements et de ses responsabilités réciproques, pas plus que de ses démissions et de ses lâchetés respectives.
Ni les parents de la jeune fille, riches industriels corsetés dans leurs principes moraux et pourtant englués dans la dissimulation, le mensonge et les compromissions douteuses, uniquement préoccupés qu'ils sont de leur statut et du scandale qui pourrait ébranler leur monde, ni ceux du garçon, couple apparemment bohème et fantasque, mais baignant dans la plus sordide médiocrité et la rouerie la plus crasse, n'échapperont à l'implacable jugement de l'inspecteur Jouvet.
Bien que la "Nouvelle Vague" ne soit pas encore née et que l'histoire soit filmée de manière "traditionnelle", sans effets forcés de caméra ou de travellings étourdissants, exception faite d'une narration à rebours, on retiendra en plus de l'excellence des acteurs, une charge aussi courageuse qu'inattendue, écornant à la fois toute une société, mais surtout désignant sans détours des parents coupables de la mort de leurs enfants. (Il est même étonnant que la censure et la critique de l'époque n'aient pas été plus sévères à la sortie du film, tant la force du propos et le procès sans fards du comportement de certains parents, semblent être en avance sur leur temps...)
"Une Histoire d'Amour" : voilà comment cacher sous le boisseau grâce au choix trompeur d'un titre en apparence simpliste, un film magnifique contre l'intolérance, le refus égoïste et irresponsable du bonheur d'autrui, et la permanence acharnée de la bêtise humaine.