Lucien Jean-Baptiste a eu cette idée de parents noirs qui adoptent un bébé blond aux yeux bleus lorsqu'il a lu dans un journal qu’un couple de nigérians a donné naissance à un enfant blanc. Hasard incroyable : c'est lorsqu'il a commencé à se documenter sur cette famille que le metteur en scène a reçu un appel lui demandant de lire un scénario intitulé "Black adoption" qui raconte l’histoire d’un couple de noirs à qui on propose d’adopter un enfant blanc.
"C’était un scénario imaginé par Marie Françoise Colombani il y a une dizaine d’années et écrit en collaboration avec le scénariste Sébastien Mounier. Je le lis et je fais savoir que le sujet m’intéresse, que j’ai un point de vue dessus. Les choses traînant un peu, je tourne DieuMerci !. Pendant ce temps, le projet change de producteurs. Mais ces derniers viennent me relancer. Alors, avec Sébastien Mounier, on se me met à réécrire l’histoire et on lui donne un nouveau titre : Il a déjà tes yeux", se rappelle-t-il.
Il a déjà tes yeux, bien qu'étant une comédie, parle surtout pour Lucien Jean-Baptiste de la transmission d’une culture et de la question de la diversité. "Quand on fait faire aux noirs des choses habituellement effectuées par des blancs, ça provoque de drôles de réactions ! C’est pour cette raison que j’adore les inversions de rôles !", confie le cinéaste.
Côté références, Lucien Jean-Baptiste a puisé dans les comédies italiennes des années 70 et un certain genre de cinéma anglais des années 80 faisant rire tout en parlant de problèmes sociaux graves. Le réalisateur cite aussi le film américain Little miss Sunshine qui comporte des moments tragiques tout en étant une comédie touchante sur la famille.
Le bébé blond aux yeux bleus du film est en fait celui d'amis comédiens de Thomas Le Douarec, un acteur connaissant Lucien Jean-Baptiste et qui avait joué dans Dieumerci !. C'est ce dernier qui a proposé au réalisateur de le faire jouer dans le film. "On n’a eu besoin ni d’effets spéciaux, ni de jumeaux, juste de temps en temps de doublures pour le contre-champ. Marius comprenait tout. Ses parents lui expliquaient ce qu’on attendait de lui, et… ça marchait.", se rappelle Lucien Jean-Baptiste.
Selon la loi du travail, les bébés ne doivent pas "travailler" plus d’une heure par jour, en deux demi-heures coupées par trente minutes de repos. "Comme en général un bébé pleure quand il a faim, on calait les scènes où Marius doit pleurer juste avant ses heures de repas. Une fois que la prise était en boite, on coupait et il avalait son biberon", explique Lucien Jean-Baptiste.
Sans être devenus intimes par la suite, Lucien Jean-Baptiste et Aïssa Maïga se sont rencontrés sur un épisode des Cordier, juge et flic au début des années 2000. Le premier incarnait un dealer et la seconde une prostituée.
A l'origine dans le scénario, le personnage de Sali censé être né dans une famille d’origine sénégalaise s'appelait Marianne. Son interprète Aïssa Maïga, issue de parents sénégalo-maliens, a fait remarquer à Lucien Jean-Baptiste que ce prénom était un peu trop "français" et lui a suggéré de l'appeler Salimata (comme l'une des tantes maliennes de la comédienne).
Vincent Elbaz incarne Manu, "un perdant magnifique, un champion de la gentillesse, un hurluberlu de première. Il dit des vérités, mais toujours à côté de la plaque", confie le comédien. A l'origine, il n'était pas spécifié que ce personnage peigne une fresque en slip mais Elbaz s'est dit que Manu n’est pas le genre de personne à peindre en combinaison. "C’est le genre qui enlève son pantalon pour ne pas se tacher, mais qui garde son pull, parce qu’il a froid !", s'amuse l'acteur.
Lucien Jean-Baptiste a déclaré qu'Il a déjà tes yeux était "plus un film sur le vivre ensemble qu'un film sur l'adoption". Le réalisateur est particulièrement impliqué dans la lutte contre le racisme. Il est à l'affiche en 2016 d'un documentaire qu'il a co-réalisé avec Amelle Chahbi et Alexandre Amiel, intitulé Pourquoi nous détestent-ils ?, dans lequel chacun revient sur les relations qu'entretient la France avec trois tranches de sa population : les Musulmans, les Juifs et les Noirs.