Le film de Marie-Castille Mention-Schaar paraît bien longuet; pas bien loin d'un documentaire romancé, on le verrait plutôt à la télévision. Mais film utile, très certainement, à condition qu'il soit vu..... par le bon public, et non uniquement par ceux qui, comme votre serviteur, ne croient ni à l'astrologie, ni à l'homéopathie, ni aux soucoupes volantes, ni aux miracles, ni aux apparitions, bref qui sont par essence inembrigadables. Ce qu'il faudrait, c'est arriver à le donner à voir en priorité aux populations fragiles.... Comment faire?
Car on montre de façon intelligente, même si évidemment, presque trop didactique, les deux voies subtiles par lesquelles, au moyen d'Internet, on séduit les adolescents, en l'occurrence les adolescentes; on voit beaucoup les groupes de paroles dirigés par la controversée Dounia Bouzar. On lui a reproché d'avoir reçu beaucoup d'argent des pouvoirs publics sans grands résultats. En tous cas, dans le film, elle tient un langage tout à fait sensé, et elle apparaît comme susceptible de combattre la radicalisation.
Deux jeunes filles, deux "soeurs" dans leur langage, en partance pour la Syrie. L'une partira; l'autre sera retenue accidentellement, et tombera donc dans les filets de la police. Sonia (Noémie Merlant) est née dans un couple mixte, mère française, Catherine (Sandrine Bonnaire) et père maghrébin, mais non pratiquant, Samir (Zinedine Soualem). Sonia a gardé le Coran de son grand père paternel; elle, c'est par le mysticisme qu'elle va tomber dans l'islamisme. Si elle part mourir en martyre, elle pourra sauver soixante dix vies -donc ses mécréants de parents, sa petite soeur!
Mélanie (Naomie Amarger) est issue d'un couple de purs gaulois, séparés. Sylvie, sa maman (Clotilde Courau) est coiffeuse, et on comprend bien qu'elle est superficielle; elle aime se maquiller, faire du shopping, sortir alors que Mélanie ne pense qu'aux autres; c'est la première à organiser des collectes pour les enfants africains, et elle pleure sur son ordinateur devant les guerres et les animaux massacrés. Un de ses contacts sur Internet partage la même générosité.... il se dévoile petit à petit, il est musulman, et le dialogue tourne à l'histoire d'amour; elle doit rester pure pour lui, ne plus toucher les garçons, refuser la nourriture impure et vite venir le rejoindre pour qu'ils se marient; ils seront alors tellement heureux dans leur paradis où elle se gardera pour lui.... il lui envoie la photo d'un beau ténébreux au regard de braise.... et ça marche!
Donc, l'une s'en sortira, avec le temps et le soutien de son entourage et l'autre disparaîtra dans la grande nébuleuse syrienne. C'est bien interprété et très convainquant. Mais comment faire pour que ces petites qui actuellement fantasment derrière leur ordinateur sur la religion, le sacrifice.... aillent voir un film qu'elles rejetteront, a priori, comme kouffar? Bonne question.....