"Visages Villages" surprend par son ambition double : filmer le français du quotidien, le prolétaire, afin de le sublimer, d'en faire une œuvre d'art, sans le déshumaniser. Mais aussi celle de mettre en scène un road-trip mélancolique à travers le pays pour Varda et JR.
Le documentaire touche dans sa façon de passer de l'intime (le "Visage"), un souvenir, une passion, un mode de vie, au collectif (le "Village"), par le biais de l'image, de l'exposition. De plus, si les collages de JR sont voués à disparaitre, le métrage, lui, s'impose comme document témoin, figeant à la fois les récits des intervenants, mais aussi l'abnégation de l'ouvrier, du paysan, de l'éleveur.
Cependant, ces instants que capturent Varda et JR se mêlent à une déconstruction de la forme documentaire. Si l'intention est louable, et le projet adéquat au vu de son esprit très "Nouvelle Vague", ces ajouts créent immédiatement une distance avec le sujet. Ainsi, l'œuvre sombre régulièrement dans une mise en scène aussi artificielle qu'elle est nombriliste, faisant douter de la sincérité de chaque larme, de chaque geste, de chaque phrase.
L'ensemble est cohérent dans sa construction et ses intentions, mais souffre de sa dichotomie, véritable frein à l'émotion. Si le long-métrage reste riche, et que l'on en retire une poignée de moments passionnant (le rapport à la mort de Varda, l'émotion de la femme qui découvre son portrait, l'absence de Godard) on ne dépasse jamais l'exercice de style un tantinet agaçant, car en contradiction avec la façon brute dont se livrent les intervenants.
Le duo s'amuse, sans aucun doute, mais oublie de rendre son objet ludique pour le spectateur. C'est un débat d'images qui habite "Visages Villages", pas pour le meilleur, mais un débat tout de même.