Robin Campillo est né au Maroc en 1962. En 1983, il rentre à l’IDHEC où il rencontre Laurent Cantet avec qui il collabore depuis la fin des années 1990 comme monteur et scénariste de L'emploi du temps, Entre les murs, Foxfire confessions d'un gang de filles, et dernièrement L'atelier présenté au 70e Festival de Cannes dans la catégorie Un Certain Regard. En 2004, il réalise son premier long-métrage, Les Revenants. Eastern Boys, son deuxième long-métrage obtient le prix Orizzonti du meilleur film à la Mostra de Venise et est nommé aux César 2015 dans les catégories Meilleur film et Meilleur réalisateur.
Act Up est une association militante luttant contre le Sida ayant vu le jour à la fin des années 80 aux USA. Ce modèle a été suivi en France avec la création d'Act Up Paris en 1989. Le réalisateur Robin Campillo a rejoint cette association en 1992, 10 ans après le début de l'épidémie :
"En tant que gay, j’avais vécu les années 80 assez difficilement dans la peur de la maladie. Au début des années 90, je tombe sur une interview télévisée de Didier Lestrade, l'un des fondateurs de l'association. Il y parle de « communauté sida » composée, selon lui, des malades, de leurs proches et du personnel médical qui affrontent cette épidémie dans une forme d’indifférence de la société. Ce discours rompait un silence qui avait duré presque dix ans. C’est à ce moment-là que je décide de rentrer à Act Up", confie le cinéaste.
Même si Robin Campillo s'est inspiré de son expérience au sein de l'association Act Up, le réalisateur affirme que le film n'est pas autobiographique : "J’ai essayé de reconstituer pas mal de débats et d’actions qui avaient eu lieu alors, je les ai agencés librement par rapport à la vérité historique. On peut reconnaître ici ou là différents traits de caractère de personnalités qui ont marqué l’histoire du groupe. Pour construire les personnages, l'inspiration est moins venue de telle ou telle personne réelle que des tensions qui les opposaient.", explique le metteur en scène.
Avec ses directrices de casting, Sarah Teper et Leïla Fournier, Robin Campillo a cherché à reproduire la diversité d'Act Up. Ils ont ainsi pris du temps pour composer un casting assez hétéroclite, un mélange d’acteurs professionnels venant du cinéma comme du théâtre, des gens plus proches du cirque ou de la danse, mais aussi des personnes également trouvées sur Facebook ou dans les boîtes de nuit. Par ailleurs il était assez logique que, dans un film sur un groupe qui a fait de la visibilité l'une de ses armes, la plupart des acteurs soient eux-mêmes gays, et qu'ils le soient ouvertement, selon le réalisateur.
D’origine argentine, Nahuel Pérez Biscayart (Sean dans 120 bpm) s’est d’abord inscrit aux Beaux-Arts de Buenos Aires avant de participer à des ateliers privés de comédie. Il enchaîne rapidement les pièces et les tournages pour le grand et petit écran argentin. En 2008, à seulement 21 ans, il remporte la bourse Rolex qui l’amène à New York où il intègre la troupe de Kate Valk, The Wooster Group. En 2008, de retour en Argentine, il est remarqué dans La Sangre Brota de Pablo Fendrik qui est sélectionné à la Semaine de la Critique à Cannes. De passage à Paris pour la promotion du film, il est contacté par Benoît Jacquot qui lui confie le rôle principal d’Au fond des bois projeté en première mondiale au Festival de Locarno en 2010.
En 2014, il est au générique de Grand Central de Rebecca Zlotowski. Le film est présenté en sélection officielle au Festival de Cannes dans la section Un Certain Regard. Nahuel Pérez Biscayart tourne ensuite en Belgique Je suis à toi de David Lambert pour lequel il a reçu le prix d'interprétation au Festival de Karlovy Vary. En 2017, il revient en force dans le cinéma français. Il tient en effet les premiers rôles dans Au revoir là-haut d’Albert Dupontel qui sortira à l’automne prochain et 120 battements par minute de Robin Campillo présenté en compétition au Festival de Cannes dans lequel il interprète Sean, figure charismatique d’Act Up-Paris au début des années 90.
Pour le réalisateur Robin Campillo, 120 Battements par minute revient à une époque sans téléphone mobile, sans internet, sans réseaux sociaux. Une époque avec des fax et des minitels. Une époque où les associations n'avaient pas, comme aujourd'hui, la possibilité de diffuser massivement leurs propres images, et où la télévision conservait une place centrale – ce qui engageait largement la façon dont Act Up mettait en scène ses actions.
Avec internet et les réseaux sociaux, on peut avoir aujourd'hui le sentiment de se retrouver dans une sensibilité ou une lutte communes, mais ce type de convergence peine à s'incarner. À l'époque du film, pour se retrouver, il fallait se réunir et se confronter. Act Up-Paris est l'une des rares associations à avoir rassemblé chaque semaine tous ses membres, dans une réunion publique et ouverte à tous.
Robin Campillo revient sur le choix du titre de son film, 120 Battements par minute : "C’est notamment une référence à la house music de l’époque que j'aimais beaucoup et qui est à 124 battements par minute. Je voulais rendre hommage à cette musique qui accompagnait l’époque. C’était une musique à la fois festive et inquiète, comme la situation vécue par la communauté gay à l’époque."
Avec sa directrice de la photographie, Jeanne Lapoirie, Robin Campillo a élaboré une méthode de tournage pour les séquences de réunions dans les amphis : tourner, le plus vite possible, avec trois caméras, une scène in extenso dans sa continuité. Les lumières ne sont pas complétement au point, l'ingénieur du son est inquiet, mais il faut y aller. De là, tous les problèmes apparaissent. Et c'est par petites touches que l'équipe corrige, de prise en prise. Cela donne une fluidité. Sur une telle durée, les gens, et tout particulièrement les figurants, s'abandonnent à la scène, ils ne réagissent plus sur commande. Les acteurs, au départ, peuvent se tromper sur leur texte. Ces moments de maladresse intéressent beaucoup Campillo :
"Je peux ainsi bénéficier de tout le spectre de rushes que ce type de méthode permet : à la fois les accidents des premières prises et l'efficacité des prises finales. Et au montage, je module la scène en passant de moments erratiques à des moments où la parole et les postures sont au contraire nettes et maîtrisées. Autre avantage de cette méthode : elle m'a libéré du fétichisme du cadre. Pour mon premier long-métrage, Les Revenants, j'étais obsédé par le contrôle de l'image. Avec Eastern Boys, j'ai accepté de lâcher prise, un peu comme le personnage du film, d'ailleurs : j'ai décidé de me laisser envahir par le film plutôt que de le contrôler."
Arnaud Valois avait arrêté sa carrière de comédien depuis 5 ans avant que Robin Campillo ne fasse appel à lui pour camper Nathan dans 120 bpm. Le jeune homme était devenu masseur ; il a été convaincu de reprendre du service pour jouer dans ce film en lisant le scénario et en voyant Eastern Boys, le dernier film de Campillo.
120 battements par minute a fait une énorme sensation à Cannes, suscitant un enthousiasme quasi unanime. Il remportera finalement le Grand Prix, se faisant souffler la Palme d'Or par The Square de Ruben Östlund.
Comme son titre l'indique, la musique joue un rôle important dans 120 bpm, notamment la House Musique :
"Bon, tout le monde n'adorait pas la house musique, et tout le monde ne se retrouvait pas en boîte après les actions, il faut être honnête. Mais ce hold-up musical m'a permis de retrouver quelque chose du moment. Je ne peux pas m'empêcher de penser que cette musique, à la fois festive et inquiète, est un peu la bande originale de cette époque. Il n'y a en fait qu'un seul morceau qui lui soit directement emprunté : What about this love de Mr Fingers. Le reste a été composé par Arnaud Rebotini, qui avait déjà travaillé sur Eastern Boys.
Arnaud est DJ, il a une culture énorme de la musique des années 1990 et possède tous les instruments de l'époque. Ses morceaux évoquent donc la house que nous écoutions alors. Mais il a aussi cette aptitude, caractéristique de l'électro d'aujourd'hui, à passer d'une musique à l'autre, à faire surgir d'un morceau bucolique des éléments plus techno, à jouer de ces métamorphoses que je cherchais à montrer. Il y a toutefois une exception : Smalltown Boy de Jimmy Somerville. L'un de mes premiers souvenirs d'Act Up est un concert magnifique qu'avait donné Somerville pour l'association, au Cirque d'Hiver. Smalltown Boy date de 1984, il évoque plutôt les premières années de l'épidémie. C'est l'une des premières chansons ouvertement", se souvient Robin Campillo.