Celui-là, je l’attendais de pied ferme. Pas uniquement parce que le premier volet avait été un inexplicable gâchis mais surtout parce que James Gunn. James Gunn, c’est le Troma-boy viré comme un malpropre par Disney pour cause de vieille blague douteuse repêchée dans les tréfonds du Net, soit plus ou moins les mêmes raisons qui avaient poussé, à raison, à son engagement : tant pis pour les Gardiens de la galaxie, tant mieux pour ceux qui auront la chance de récupérer l’animal…et justement, c’est DC qui s’y colle, avec la franchise la plus borderline de son catalogue, celle de ces bad guys envoyés en mission-suicide dans l’espoir d’obtenir une remise de peine. On oublie tout de suite la teneur sombre de la première tentative, à une époque où les films DC étaient encore obsédés par leur positionnement “adulte” et on plonge dans un délire potache et régressif au scénario digne des pires barbouzeries des années 80, qui s’ouvre sur un assaut amphibie qui tourne mal et massacre la moitié d’une escouade de bras-cassés à laquelle on avait déjà commencé à s’attacher. C’est sanglant, débile, sans queue ni tête, on sent que James Gunn est aux commandes, peut-être encore plus libéré des carcans qu’il ne l’était dans les Gardiens de la galaxie, et ça fait franchement du bien. Et puis…inexplicablement, le panard qu’on a pris lors de cette séquence d’ouverture, se tasse et s’évapore, même s’il reviendra subrepticement à plusieurs reprises au cours du film. S’il est incomparablement meilleur que son prédécesseur, ‘The Suicide squad’ est aussi très inégal. Les trouvailles géniales cohabitent avec les tunnels où on s’emmerde, les vannes excellentes succèdent à des trucs affreusement balourds, scènes iconiques et moments gênants respectent une belle alternance : on se demande si Gunn s’est assagi, s’il a été échaudé par son débarquage brutal de chez Disney…et puis, on convient que, simplement, comme pour n’importe qui, James Gunn a des jours sans. Mais il existe un autre problème, plus fondamental et plus profond, qui afflige les projets comme ‘Suicide squad’ et je comparerais ce problème à celui qui touche directement le personnage de Harley Quinn (qui est à nouveau de la partie après son escapade solo en 2020) et qui concentre les mêmes dilemmes à son échelle personnelle. Exubérante et ingérable, elle dispose d’énormément de potentiel sur le papier mais dans le chef des producteurs/réalisatreurs/scénaristes, il subsiste une crainte perpétuelle d’aller trop loin, de dépasser les bornes, de passer sans le vouloir de l’humour vaseux au procès pour harcèlement moral, assorti de la volonté un peu vaine de lui racheter une conduite. Or, Harley Quinn ou les affreux de Suicide Squad sont des désaxés : ils n’ont pas d’excuse, pas besoin de rédemption aussi visible, et ils peuvent bien rester pourris jusqu’à la moëlle du début à la fin du scénario, on ne sera pas triste ou déçu. Encore une fois, ce n’est pas d’être trop immoral ou trop violent que je reprocherais à The Suicide squad, qui reste aussi divertissant que n’importe quelle production Marvel et bien plus que l’écrasante majorité des portages DC, c’est d’être trop timoré, de ne pas aller au bout de ses rêves, surtout les plus sales et les plus dégoulinants de fluides divers. Malgré des promesses en parties tenues (quand était-ce la dernière fois où l’antagoniste ressemblait à un jouet fisher-price, hein ?), ‘The suicide squad’ persiste à donner l’impression de retenir certains de ses coups. Finalement, ‘Deadpool’, quoique moins sincère, parvenait à être de plus mauvais goût…