Il faut savoir le dire, il faut savoir le reconnaître. La Warner continue d’évacuer le surplus de son catalogue de blockbusters et les dernières projections ne sont ni la plus rassurantes, ni les plus mémorables. Il en va de même pour la concurrence, qui souhaitait se projeter avec un « Black Widow » blafard et profondément banalisé. Pourtant, au milieu de cette bouillie intercosmique, se trouve James Gunn, qui renaît et dont le style finit par s’épanouir sous les projecteurs d’Hollywood. Récupéré par le voisin, puis réembauché par la maison de Mickey, le cinéaste rebondit sur autant d’occasions qui le dédouanent d’une ambiguïté. Et c’est sur le même terrain qui a fait trébucher David Ayer, qu’il se bâtît une zone de réconfort, peignée de sang et d’entrailles sous le sunlight des tropiques.
Carte blanche ? Nous supposerons que oui, car dans les grandes lignes, le paternel de « Horribilis », de « Super » et des « Gardiens de la Galaxie » s’est bien amusé à réaliser ce qui lui était autrefois interdit par son studio. Et on y retrouve globalement toute sa filmographie, avec une bonne touche d’humour noir et un zèle à iconiser ses personnages, qu’ils soient éphémères ou non dans le récit. Il est alors bon de rappeler que les vilains que nous suivons possèdent différents degrés d’humanité et cela fonctionne dès les premières minutes, qui ruinent sans doute le développement de certains, mais qui tiennent la promesse de ne pas réveiller l’instinct héroïque qui nous aura exténué, voire éjecté de l’univers. Mais de l’eau est passé sous les ponts et ce remake prend la forme d’une suite informelle, qui ne s’amuse pas à réprimander la version de 2016. Bien au contraire, il saisit avec délicatesse, sa routine et son scénario tenant sur un post-it. Les personnages que l’on aura gardés en tête auront évolué ou alors le hasard aura bien aidé Gunn, comme l’agent du chaos parfait dans la pagaille qu’il annonce.
C’est donc une affaire de casting et c’est pourquoi ce facteur atteint une diversité à en faire pâlir toutes les précédentes réunions héroïques chez DC. Du jamais vu sur grand écran, la période estivale hérite d’une belle brochette de bras cassés suicidaires. Cependant, cela reste dans une bulle harmonieuse, où le miroir des Etats-Unis se brise et où les marginaux, ou encore les invisibles de la société, révèlent leur nature grotesque. Ce qui ne gâche en rien la narration, qui apprécie chaque personnage et qui les transporte dans une chorale des plus gores, récréative et jouissives. Idris Elba incarne un Bloodsport un peu lisse, ais qui répond au Deadshot de Will Smith, dont la partition solo illustre tout l’échec de l’équipe. Ici, c’est n’est pas forcément autour d’une poignée de mercenaires que l’on se regroupe, ceux que l’on croisera à jamais intouchables, bien sûr que non. Margot Robbie étend de nouveau cette sombre folie d’Harley Queen, qui ne fuit que dans la solitude et dans les paillettes qu’elle se créer, comme pour se libérer du joug d’un coup de pression, toxique et immoral.
Peacemaker est donc introduit avec la ferme intention d’exposer sa vision de la paix, mais confronte souvent ses partenaires de fortune contre son lot de boutades, qui tire toujours dans le mille. John Cena le campe avec une adresse, qui le destine peut-être à trouver une issue dans ce genre de rôle, cynique et impitoyable. Dommage que pour la gent féminine, ce soit un peu plus délicat, car l’on ne creuse pas assez Amanda Waller (Viola Davis) pour en saisir ses limites, si elle en a. De même, Ratcatcher 2 (Daniela Melchior) est sans doute trop lisible et prévisible, à l’image d’un climax qui s’étire, mais dont la déconnade viendra clôturer le tout en beauté, jusqu’à en prendre plein la mirette. Le graphisme des plans est fondamentalement soigné et séquencé dans un repère temporel nécessaire, car tout est une question de timing. Les ruptures de tons et la variété des mises à mort en témoignent.
Des vilains, du cinéma, du sang et de l’émotion sont des choses que la précédente promesse de la Warner n’a pas réussi à nous faire digérer. « The Suicide Squad », bien qu’il force un peu trop souvent dans les ellipses surexplicatives, constitue une magnifique œuvre transgressive, visuellement poignante et un bijou d’adaptation rendant hommage aux comic books et à ses plus belles planches. Sans pour autant révolutionner le genre, ce que James Gunn réussit à transmettre trouvera sans doute l’écho recherché par des producteurs, dont la surexploitation de la bienséance déconstruit plus ses mythes qu’il ne les construit. L’ironie, c’est que le cinéaste ne suit pas un mode d’emploi en suivant la mèche. Il préfère la détonation à bout portant, au cœur de l’action, au cœur des bonnes émotions.