Plébiscité dans les plus grands festivals, couvert de récompenses, Oscar et César pour Une Séparation que j’avais beaucoup aimé, ayant tourné en France, Le Passé que j’avais nettement moins aimé, Asghar Farhadi revient avec une nouvelle histoire de couple, Le Client, Prix du Scénario et Prix d’interprétation masculine au dernier Festival de Cannes. J’en suis ressorti perplexe, dubitatif mais en même temps je reconnais ne pas avoir ressenti d’ennui à un film d’un peu plus de 2 heures…Shabab Hosseini, mérite-t-il son prix d’interprétation ? Certes il est convaincant avec toute l’ambigüité de son personnage, avenant avec ses élèves, détestable dans son désir de vengeance et de justicier solitaire…A ces cotés, Taraneh Alidoosti est une splendide Rana qui aurait tout aussi bien pu obtenir le prix d’interprétation féminine…mais Bérénice Bejo l’avait déjà eu pour Le Passé, quant au prix du meilleur scénario, s’il est original, d’autres comme Mademoiselle, l’étaient plus…Je me demande si le jury n’est pas parfois victime d’un effet contagion, un cinéaste titré ne pouvant repartir sans nouvelle distinction…Contraint de quitter leur appartement menacé d’effondrement suite à d’importants travaux de terrassement contigus , apparemment sans protection ( évocation d’un certain délabrement de la société iranienne ??) , Emad et Rana emménagent dans un nouveau logement loué par un ami, membre de la troupe de théâtre amateur dont ils font partie. Un incident tragique en rapport avec l’ancienne locataire va bouleverser la vie de ce jeune couple d’intellectuels qui répètent La mort d’un commis voyageur d’Arthur Miller…Comme dans Barbe Bleue, il y a dans l’appartement une pièce mystérieuse dont l’ouverture forcée libérera un enchainement fatal…cauchemar éveillé pour Rana, obsession de la souillure féminine, réputation de la femme dans un environnement cadenassé par la religion, ivresse de la vengeance solitaire pour Emad… le spectateur est baigné dans ce thriller intimiste et comme le héros tragique de la pièce qu’ils répètent, Emad se retrouve humilié, victime de son aveuglement , persuadé que sa quête de vérité ramènera la sérénité et la concorde dans leur couple tout en agissant comme si son honneur blessé était plus important que la santé de sa femme Si la peinture de ce traumatisme peut montrer des moments d’intense émotion avec Rana, on a peine à s’émouvoir et à ressentir ce que Farhadi veut nous conter. Et pour moi, Le Client n’a pas la puissance d’une Séparation…