De violence en violence, le parcours de Scott Cooper est une odyssée de souffrances dont les personnages subissent tout le poids de la culpabilité. Après « Crazy Heart », « Les Brasiers de la Colère » et Strictly Criminal », le réalisateur signe, pour l’heure, sa plus belle prestation en matière d’étude morale, en plus d’ajouter un western aux côtés des plus grands. C’est ce qui définit toute la mythologie Américaine, que ce soit au cinéma ou non. C’est pourquoi on explore une question qui tambourine les esprits, à la suite de génocides, à savoir celle de la cohabitation. La guerre a forgé des habitudes, des conditions de vie et une raison d’être à chacun, dès lors que cette personne respire encore. Ce qui passionne alors autant, c’est cette partition fataliste de l’Homme et sa motivation pour la survie. Certains s’en détourne en fermant les yeux, d’autres de parvienne pas à les ouvrir vers un avenir meilleur.
La structure du récit est très importante dans la démarche vers la rédemption qu’il tente de véhiculer. Nous partons d’un groupe de tuniques bleus, qui ont pour mission d’escorter leur dernier adversaire en territoire sacrée. Echo à la quête du Saint Graal ou pèlerinage vers Jérusalem, les comparaisons sont nombreuses et permettent de mettre en évidence un tournant dans la culture Américaine. La mort en fait partie, ou plus précisément le meurtre. Le jeu de mouvement est très significatif pour les survivants d’un périple non sans danger. Toujours crus et sans remord, l’impact des balles fait frissonner et interpelle notre sensibilité envers des personnages qui le sont également.
Le Capitaine Joseph Blocker (Christian Bale) a connu toutes sortes d’affrontements contre les Amérindiens. La sauvagerie s’en dégage, sans pitié, ni pardon. L’œuvre travaille alors sur cette transition nécessaire lorsqu’il devra faire route aux côtés du chef de guerre Cheyenne Yellow Hawk (Wes Studi) et sa famille. Chacun appréhende ses souvenirs comme une souffrance, mais la retraite vient les retirer à leur responsabilité ou leur métier. Le voyage qu’ils entreprennent alors n’est qu’un parcours dans le passé. Ils traversent les terres arrosées du sang de leurs camarades respectifs et c’est au tour de la sagesse d’annoncer sa couleur. Ensemble, il y a une issue vers le pardon, une issue qui les conduit en dehors de cette folie qui les a contraints à la brutalité.
Rosalie Quaid (Rosamund Pike) et sa vive expérience de la violence font qu’elle dresse le portrait d’une victime. Mais il n’y a pas que cela dans ce monde qui nuance toutes les personnalités. Le prédateur peut basculer au rang de proie et inversement. Le cycle du carnage sévie ces terres qui isole l’Homme de la civilisation occidentale. Sa foi est mise à l’épreuve et lorsque la mort vient ôter la vie de quelqu’un, il n’y a que larmes et poussières qui se partagent. Chacun porte les souffrances de son compagnon de route et l’image que donne le groupe s’apparente davantage à une famille de substitution. Bien que les divergences de cultures les séparent, on trouve bien des points communs dans l’honneur et la sincérité, chose que l’on découvre avec une grande empathie auprès du mixage héros et anti-héros.
Ainsi, « Hostiles » renvoie au profond « Impitoyable » de Clint Eastwood, avec une décharge plus guerrière et sans concession, quand il le faut. On explore une profonde cicatrice dans la culture Américaine, dans laquelle on se permet d’harmoniser l’Homme et son mal être sur Terre. Le destin les rassemble à une cause qui ne leur est pas toujours destiné. Le choix, chacun le possède. Malheureusement, tout le monde ne possède pas la sagesse requise, ni le courage nécessaire pour tirer droit au but. Le passé n’est plus une nostalgie que l’on exploite pour le pur divertissement, bien que certaines séquences soulignent durement le propos. Le récit est contemporain et il surclasse de loin la plupart des œuvres qui ont échoué dans le style intimiste et lyrique.