Alors que son cinéma déclinait de films en films, surtout avec Black Mass un biopic réussi mais qui manquait singulièrement d'identité et qui tendait à être trop bavard, Scott Cooper semble être en quête d'un renouveau artistique. Hostiles est en ça, l'évolution évidente de son style tellement Cooper tournait autour du western (surtout avec ses deux premiers films) sans jamais l'aborder directement. Ici il se fait enfin plaisir et assoit ses intentions de cinéaste dans un genre qui le fascine et dont il espère lui donner ses lettres de noblesses. Le western étant clairement en voie de disparition et qui ne trouvait plus que Tarantino pour le faire encore un peu subsister. Loin des effusions de sang et des influences italiennes de Tarantino, Scott Cooper revient aux fondamentaux pour y étudier les fondements de l'Amérique.
Auto-proclamé pays de la liberté et des opportunités, Les Etats-Unis est une terre d'hypocrisie, où la liberté des blancs s'est faite au profit de l'extermination et l'enfermement de la population amérindienne. Mais qui a aussi prospéré dans l'usage de l'esclavage, à se demander qui est le sauvage et qui est l'homme civilisé. Prenant place à la fin de l'âge d'or du far west, Hostiles va principalement s'interroger sur cette question mais aussi sur le statut du soldat et de l’irrationalité de la violence. Cooper s'intéresse ici à des âmes en peine, brisée par la vie et sa violence où les soldats se rendent compte qu'ils se sont battus pour rien et que les civils subissent encore les contrecoups de cette supercherie. Une guerre qui n'aurait mené à rien, qui s'achève sans vainqueur mais que des perdants. Dans ce road trip à travers l'Ouest sauvage, Cooper dresse beaucoup de symbolique sur l'histoire de l'Amérique, parfois peut-être un peu trop ce qui rend le récit et sa conclusion un brin prévisible. A cause de ça, certaines longueurs pourront aussi pointer le bout de leur nez mais ce serait passer à côté d'un film qui a autre chose à offrir que d'y prêter trop attention.
Ce qui bouleverse le plus dans Hostiles, c'est le portrait de ses personnages tous déchirants dans une certaine mesure. Des ennemis qui vont apprendre à se connaitre et se comprendre là où leur rivalité n'était qu'un symptôme de l'incommunicabilité. Des êtres qui ne se parlaient qu'à travers la violence et les morts qu'ils répandaient. Autant le procédé est déjà-vu, autant il parvient encore à fonctionner dans ses personnages écrit avec une grande finesse tout comme ses dialogues qui transpirent d'une belle humanité. Surtout qu'ils servit par un casting exemplaire que ce soit dans les seconds rôles comme les principaux. On retiendra surtout la fureur émouvante de Rosamund Pike, ou la dignité touchante de Wes Study mais celui qui domine clairement est ici Christian Bale. L'acteur livre la meilleure performance de sa carrière dans un rôle tout en retenu où il expose un charisme sidérant mais aussi des fêlures déchirantes notamment grâce à une subtilité et un regard habité. Il est phénoménal et il est bon de retrouver l'acteur au sommet de sa forme.
Mais le film possède aussi des visuels somptueux, avec une photographie soignée et surtout une musique mémorable de Max Richter qui nous invite à un voyage aride et percutant. On regrettera peut-être un montage un peu trop didactique et qui donne un aspect répétitif au deuxième acte du film, mais le tout est bien contrebalancé par une mise en scène inspirée et maîtrisée de Scott Cooper. Sans pour autant prétendre à être parmi les ténors du genre, la réalisation de Cooper se montre admirable et prenante dans sa manière très poétique de filmer l'Amérique comme un purgatoire en pleine mutation. S'attardant sur les décors mais aussi sur les âmes torturés qui si baladent, Cooper reste classique dans sa démarche mais porte un regard juste sur son récit. Laissant ses personnages et acteurs respirer permettant ainsi de vraiment faire resurgir l'émotion. Bon nombres de visions fendront le cœur et laisseront une trace impérissable dans l'esprit du spectateur.
Hostiles est un film dur, au rythme lent et à l'action peu présente mais qui propose un périple émouvant et inoubliable. Son récit part d'un procédé déjà vu et résulte à une conclusion attendue car il tant à abuser de ses symboliques pour justifier son histoire. Quand bien même cela amoindrit sa qualité, cela n'enlève rien au choc qu'il fait ressentir. Dans le portrait toute en finesse et bien senti de ses personnages émouvants ou encore ses visuels somptueux, Hostiles crée de vrais frissons de cinéma et vise toujours là où cela fait le plus mal, au cœur. Poétique, parfois même transcendant et habité par un excellent casting avec en tête un Christian Bale dans son meilleur rôle, Scott Cooper signe son oeuvre la plus aboutie qui donne au western un de ses plus grands baroud d'honneur. Car aussi imparfait soit-il, Hostiles reste un beau et mémorable moment de cinéma.