Injustement méconnu hors de ses contrées d’origine, « Go Trabi Go » est pourtant une œuvre incontournable de l’histoire du cinéma.
Sans dévoiler ici les nombreuses péripéties, notons simplement que le scénario est fertile en rebondissements et morceaux de bravoure, tout en sachant maintenir sa cohérence.
Sur une base inoffensive de petite comédie familiale, le film se mue peu à peu de manière inattendue en critique sociale féroce. Un équilibre parfaitement dosé sera respecté entre la franche rigolade et la dénonciation sans concession. On se surprendra même du jusqu’au-boutisme du propos, lorsque la fin tendra vers une noirceur brute proche du nihilisme.
De manière évidente, la progression du récit poursuit la trame de l’avancement vers la folie (des parallèles avec « Apocalypse Now » étant régulièrement dressés). Le road-movie sera ainsi la métaphore du chemin de croix des personnages à la recherche de réponses, s’enfonçant toujours plus profondément à travers leurs angoisses existentielles pour aboutir (peut-être) à leur salut.
Le pivot dramatique intervient vers le milieu l’intrigue : c’est à ce moment qu’on assiste à
une série de gags désopilants qui s’enchainent en l’espace de quelques secondes.
Le twist final, très novateur pour l’époque, est absolument incroyable (je mets au défi quiconque de deviner ce retournement ultime avant la toute fin). Un deuxième visionnage sera obligatoire pour comprendre toute l’histoire sous un angle complètement différent (léger bémol néanmoins : on regrettera l’absence de scène post-générique).
S’agissant des acteurs, ils sont au diapason et font ressortir la profonde complexité de leurs personnages. Wolfgang Stumph, A.K.A. Ottfried Fischer, est particulièrement incroyable dans ce rôle qui lancera sa carrière internationale (sans doute sa meilleure prestation, bien que sa performance dans le « Beim nächsten Kind wird alles anders » de Uwe Janson soit également mémorable). Et que dire de la Trabant (modèle 601), véritable personnage à part entière ! La Trabi est de tous les plans et crève tout simplement l’écran.
La réalisation, relativement sobre, saura user d’effets audacieux quand il le faut, à l’image de ce moment hilarant où
le conducteur de la voiture se couche, donnant l’illusion que la Trabant roule toute seule !
Assimilant ses inspirations protéiformes, le film constituera une œuvre séminale de tout un pan du cinéma, dès les années 90 et encore à ce jour. Entre autres exemples, on pense évidemment à l’acclamé Drive (remake quasi assumé) ou encore à la série des Fast and Furious (dans un genre plus contesté).
Les plus cinéphiles pourront se régaler de nombreux clins d’œil, qui vont de « Citizen Kane » à « La Coccinelle à Monte Carlo », en passant par « Christine » et « Casablanca » (la scène à Naples remplaçant la scène de l’aéroport, dans une savoureuse intertextualité).
Si vous regardez ce film entre amis ou avec votre classe d’allemand, n’hésitez pas à régulièrement mettre sur pause, afin de décortiquer les mécaniques comiques toutes plus inventives les unes que les autres qui ponctuent sans interruption le métrage.
Pour finir, je ne peux que vous encourager à voir ou revoir ce film culte.
Bon visionnage !