Sebastian Lelio est un réalisateur obsédé par le rapport à la discrimination, notamment sexuelle. Après son très joli "Gloria", il récidive avec un récit sur un transgenre, apportant en sus la dimension intergénérationnelle. Le film se passe à Santiago du Chili, et chose frappante, le regard de la caméra fait immédiatement penser à Almodovar. Almodovar, non pas tant pour le sujet dans la mesure où le réalisateur espagnol s'attache souvent plus à l'extravagance que le réalisme du scénario, que dans la manière dont les deux cinéastes filment la ville. Lelio parvient à dénicher aux quatre coins de Santiago des fresques, des bars absolument incroyables, des façades d'immeuble, qui dénotent un pays en pleine mutation moderniste, tant dans son architecture, son économie que sa morale. Mais la transexualité n'est pas des plus faciles à accepter, d'autant quand votre ancien conjoint vous a quittée pour un travesti. L'acteur principal tient d'un bout à l'autre du film, une présence faite tout à la fois de profondeur, de légèreté et de beauté. On regrettera les échappées à tendance spirituelle qui peuvent certes être assimilées à des hallucinations visuelles, mais elles n'ont pas grand intérêt dans ce récit sensé dérouler la complexité identitaire d'un transgenre, la discrimination et le rejet sociaux dont il fait l'objet, et plus généralement la difficulté à aimer quand on sort des sentiers battus. La musique, déjà présente dans "Gloria", est très belle, jouant entre le clacissisme et la contemporanéité. En définitive, le caractère ambigu de la temporalité musicale rejoint celui d'un pays, le Chili, prêt à traverser les réformes morales et idéologiques qui s'impose, tout en se repliant derrière des réflexes réactionnaires. "Une femme fantastique" est un beau film, parfois un peu trop consensuel dans sa forme, et qui n'a pas retrouvé les vibrations émotionnelle du précédent "Gloria".