The house that Jack built est un film magistral, que j'aie longtemps hésité a regarder. En effet, le métrage a beaucoup fait parler de lui pour sa violence, ses scenes choquantes et sa perfidie. Pour ceux qui seraient dans le meme cas que moi, je vais le dire tout de suite, toutes ces critiques sont vraiment abusives. Le film est loin d'etre si choquant que le veut la "légende". Bien sur, si vous prenez tout ca au premier degré et que vous avez du mal avec la violence a l'écran, pensez-y a deux fois... Mais je pense que l'intelligence de la mise en scene et le ton habile du film avec lequel il traite son sujet suffisent amplement a nous faire avoir le recul nécessaire sur ce que l'on voit. De plus, je tiens aussi a souligner qu'en fait, la violence pure et dure est peu présente a l'écran concretement. On n'a pas de scene ou on voit clairement des horreurs etre commises, en fait. Non, vraiment, je ne comprends pas pourquoi ce film a autant choqué... Faut bien se plaindre j'imagine, et
"O mon dieu, il y a un moment ou il congele le cadavre d'un enfant dans une position etrange (certes, tres glauque, peut-etre passage le plus inconfortable du film, pour moi) alors quelle ignominie!"...
En fait, tout ce qui nous est montré a un propos et souleve des questions intéressantes. Bien sur, je ne peux pas dire jusqu'ou le réalisateur a voulu aller dans la symbolique de tout ce qu'il nous montre. Néanmoins j'ai été surpris de pouvoir faire tant de rapprochements divers et variés entre les différents themes abordés dans le film. Il y a vraiment beaucoup de matiere a réfléchir avec ce qu'on nous montre, tout en restant quand meme devant un film accessible. Dans le sens ou celui-ci n'est pas "difficile" a regarder, ni "pompeux", comme pourrait l'etre un certain Mulhollande Drive par ex (attention, j'aime beaucoup ce film, c'est juste que je pense que ce n'est pas le genre de film auquel on peut vraiment accrocher avant d'etre bien familier avec le cinéma).
Il y a, par exemple, une certaine réflexion sur la chasse que j'aie trouvée intéressante. Entre le fait de dire qu'on est autorisé a tuer les corbeaux car ils sont considérés comme "nuisibles", bien que ce ne soient pas des gibiers; et l'explication de la logique derriere la chasse des biches et de leurs bébés; on a de quoi remettre tout ca en question une fois qu'on voit ces memes regles sadiques (Jack, tout tueur qu'il soit, disant lui-meme qu'il trouve la chasse horrible, meme si on a un doute sur sa sincerité a ce moment, puisqu'il s'adresse a d'autres personnages...) directement appliquées a des etre humains. Et pas n'importe lesquelles,
puisqu'il tue une femme et ses enfants (comme l'exemple de la biche et de ses deux faons), symbole sacré dans notre société qu'il a rarement été aussi malmené dans un film qu'il l'est ici. Détruire et souiller une telle valeur, une telle ICONE (vous voyez ou je veux en venir si vous avez vu le film), est toujours tres tabou meme dans la fiction...
Choquant, peut-etre. Tres interessant et plein de remise en question, surement. De plus, on est quand meme loin ici, d'un ton aussi moralisateur que dans un Funny Games par exemple. Tout aussi cynique en revanche. Le film est parsemé de ce genre de séquences, un peu dures a regarder parfois c'est vrai, mais de la a s'en cacher les yeux ou a quitter la salle... On aura vu bien pire, et avec bien, mais alors bien moins de propos...
J'ai trouvé la mise en scene et la facon de filmer vraiment plaisantes! On a un beau contraste entre deux methodes majeures. D'abord il y a ces caméra-épaule et ces cuts / zooms rapides a la limite du documentaire. Cette facon de filmer donne tanto un aspect ultra réaliste aux images, tanto un aspect tres comique qui se rapproche en fait completement de la serie The Office. C'est vraiment bien fait et subtile! L'humour fonctionne étonnement (étrangement) bien! Une meme séquence pourra vous glacer le sang tout en vous faisant pouffer de rire. On sent un jeu d'acteur brilliant de Matt Dillon, a la limite (on the verge ;) ) entre le froid clinique du psychopathe qu'il interprete et sa maladresse qui le met dans des situations amusantes et grotesques. A la fin du métrage, nous avons donc la deuxieme méthode de filmer bien plus classique et basée sur l'esthétique des images pour les traiter presque comme des tableaux, plutot que comme des rushs de documentaire animalier comme auparavant. Ce changement marque vraiment la différence entre ce qu'a réellement pu vivre le personnage de Jack dans la diégese pure et dure, et ce qu'il a ensuite... "imaginé" ?
Peut-etre que la fin du film, a partir du moment ou il s'engouffre dans les egouts de sa "maison" avec Verge, est sa descente aux enfers apres sa mort, abattu par la police qui tente de rentrer dans son hangard (bien glaque soit dit en passant) ?
Enfin Il y aurait tellement a dire sur les thematiques sous-jacentes au film. Cet espece d'opposition constante entre art et technique, presque meta (reflexion sur le cinéma lui-meme également). L'architecte construit des maisons, l'ingénieur aussi (comme dit dans le film, par un personnage que Jack qualifie d'idiot_preuve encore que le film est loin d'etre misogyne, et nous montre Jack etre ici, a mon avis, completement a cote de la plaque lorsqu'il qualifie la remarque de Jacqueline de "stupide"_et qui pourtant nous livre ce constat réel, plein de sens et de questions), le chirurgien urgentiste opere les gens, le chirurgien plastique aussi (oui cette comparaison n'est pas faite au hasard, et oui je pense que le film a voulu faire la meme. Pour ceux qui n'y ont vu qu'une scene choquante, je pense qu'il faut y voir un parallele pertinent dans la lignée du reste du film). Pourtant ils n'ont pas tous les memes resultats, ni la meme image aupres des gens, de la société. Société qui se veut bien pensante, choquée de voir des gens etre tués, découpés, mutilés et j'en passe; mais qui n'aide pourtant pas ceux qu'elle entend crier depuis leur appartement, comme nous le montre a plusieurs reprises le film. Je pourrais en dire tellement plus... C'est la preuve que ce The House That Jack Built ne se limite pas a un film choquant, provoquant juste pour se faire mousser et est loin de tous ces films "arty" qu'on peut voir ci et la. Pour peu qu'on veuille bien jouer le jeu, on nous propose ici de vraies réflexions sur le monde et la société. C'es du tres bon monsieur LVT!