Sorti presque en catimini, le film de José Padilha a tout de l’entreprise casse-gueule par excellence ; un sujet hautement explosif (et finalement cruellement d’actualité, quel que soit le point de vue) et pas franchement glamour. Comme il présente un film avec peu d’effets spéciaux et de morceaux de bravoure, préférant s’appesantir sur le fond, les relations humaines et les questions politiques, il ne part pas gagnant aux yeux de grand public. Son principal atout, je trouve, c’est son casting absolument parfait. Une fois n’est pas coutume c’est par là que je vais commencer : Daniel Brühl et Rosamund Pike incarnent avec une justesse totale la détermination et aussi la fragilité d’une gauche révolutionnaire allemande presque dépassée par ses propres idéaux, prisonnière malgré elle du passé de l’Allemagne. Ils agissent par haine de leur propre pays, peut-être par haine d’eux même aussi. Si elle est d’une froideur et d’une détermination totale (on savait Pike capable de ce genre de performance depuis « Gone Girl »), lui est plus tourmenté. Brühl est un comédien que j’aime beaucoup et qui fait une très belle carrière en Allemagne, en France et aux USA, mine de rien il mène intelligemment sa barque et se construit une filmographie sans beaucoup de fausses notes. Les seconds rôles, sont nombreux, parfaitement incarnés et très bien croqués, de Denis Menochet à Eddie Marsan, de Lior Ashkenazi à Nonzo Anosi. Mention spéciale pour ce dernier, qui campe un Amin Dada à moitié fou et imprévisible, il met horriblement mal à l’aise dans chacune de ses scènes, sans jamais avoir à en faire beaucoup, sans même avoir beaucoup à dire parfois. Incarner un psychopathe sans jamais un dialogue menaçant, jamais un éclat de voix, c’est encore plus effrayant. La réalisation de José Padilha est plutôt intéressante même si on peut discuter de quelques partis pris. Il choisi d’abord de ne pas concentrer sur action uniquement sur la prise d’otage mais insère des flash back et des scènes de politique en Israël (la France est étrangement absente du film, ce qui est difficilement compréhensible !). A l’inverse de ce qu’avait fait Paul Greengrass avec « Vol 93 », il allège la tension jusqu’à l’assaut final (je ne spoile pas, c’est de l’Histoire) avec des scènes qui sont censées laisser respirer le spectateur. C’est un parti pris que je peux comprendre, surtout que ces scènes sont très intéressantes du point de vue de la politique israélienne de l’époque, et de celle d’aujourd’hui. L’autre parti pris dont on peut discuter, c’est l’insertion dans l’histoire, dés le générique de début et jusque dans les dernières minutes, de scènes de danse contemporaine. Symboliquement, elles doivent signifier quelque chose mais je dois avouer que leur sens m’a échappé, à moi, et que je considère vite qu’elle disperse le film d’une façon bien trop fumeuse pour fonctionner à plein. C’est d’ailleurs un défaut que l’ont peut reprocher à « Otages à Entebbe » : sa dispersion. Entre les flash back, les scènes auprès de l’armée et du gouvernement israélien, les scènes du jeune couple danseuse-soldat de Tsahal, le film s’éparpille beaucoup et c’est presque par miracle qu’il tient au final debout comme un ensemble cohérent. Et puis la musique, à base de percutions, n’est pas inintéressante mais pas toujours employé à bon escient, elle appuie certains effets de manière outrancière, elle parasite même le film par moment. Le scénario de « Otage à Entebbe » montre une prise d’otage qui dure 7 jours, ce qui est très long et à ma connaissance, assez inédit dans l’histoire aérienne, et il montre aussi parallèlement les difficultés que le gouvernement israélien doit affronter : négocier ou pas, décider d’un raid qui peut se terminer en bain de sang à 4000km de là ou pas. Comment choisir quand on n’a que des mauvaises solutions ? « Otages à Entebbe » montre un Shimon Peres bien plus ferme et belliqueux que ce que l’histoire à retenu de lui, et parallèlement un Yitzhak Rabin plus prudent, plus pragmatique (ou plus frileux selon le point de vue) qui semblent s’affronter politiquement sur cette question cruciale qu’est la question palestinienne, alors que là encore l’Histoire a retenu qu’ils étaient plutôt dans le même camp. Je ne connais pas assez bien l’histoire de cette prise d’otage et la politique israélienne de l’époque de juger de la véracité du film. Mais du point de vue du cinéma, le scénario a de vraies qualité comme celles de montrer la complexité du problème sans manichéisme, d’effleurer la question de l’extrême gauche allemande des années 70 et son rapport terriblement complexe avec la Seconde Guerre Mondiale. Humainement, le film démontre aussi qu’il n’est pas facile, ni même peut-être possible, de garder 7 jours des gens en otage sans créer avec eux une relation complexe et que leur mettre une balle dans la tête après ça, c’est facile de le dire, et c’est sacrément autre chose que de le faire. « Otages à Entebbe » est un film plein de petits défauts, certes, mais qui ne manque pourtant pas d’intérêt et qui se laisse suivre sans ennui, sans déplaisir et qui soulève chez le spectateur plus de questions qu’il n’apporte de réponses définitives. Pour un film qui traite du conflit israélo-palestinien, c’est toujours la meilleure voie à suivre.