Parfois l'art est politique. Augusto Boal, avec le théâtre de l'opprimé, visait à la révolution. Ce qui, dans ce film, est révolutionnaire et subversif, c'est le fait que les places changent. D'une part, la scène se déplace : partant d'une réalité vécue, un éprouvé est mis en scène. Une "autre scène" se produit. Mais là où le procédé est hautement bouleversant, c'est dans le fait que les protagonistes se déplacent dans les rôles, que la dynamique de l'histoire peut se voir remaniée. On peut s'incarner dans le rôle de l'oppresseur ou bien dans celui de l'opprimé. On peut être dictateur, militaire, juif, noir, réfugié, donneur d'ordres ou exécutant. Au MK2 Beaubourg, Avi Mograbi, à qui l'on demandait s'il aimait son pays, a répondu par l'affirmative, mais en disant qu'il déteste l'état, qu'il se revendique antimilitariste. De même que l'on peut être israélien et antisémite ou raciste, on peut se sentir profondément attaché à son pays, ancré, enraciné là-bas et être profondément en désaccord avec la politique conduite dans son pays. Comment après connu la Shoah, peut-on avoir la cruauté de construire des murs, des camps ? Le film d'Avi Mograbi crée du lien, il établit des ponts là où l'on voudrait que "l'autre" ne soit pas notre semblable, mais un "envahisseur". Pouvoir s'identifier à un autre, qui n'est pas comme moi, quelle expérience d'humanisation ! Bravo, bravo ! Chapeau bas à Avi Mograbi et à Chen Alon !