Diego Maradona est un nom que tout le monde connait. Celui d’un footballeur légendaire mais c’est également le titre du nouveau documentaire d’Asif Kapadia, réalisateur britannique à qui l’on devait déjà les remarqués Senna et Amy. Cette fois-ci, il s’attaque à celui que l’on surnomme D10S. Mais il ne s’agit pas d’une biographie, le réalisateur se concentre avec pertinence sur la période napolitaine du mythe argentin. Dans un récit linéaire chronologiquement, le réalisateur n’hésite pas à user de flashbacks afin de bien faire comprendre ce que peut ressentir Maradona une fois confronté à certaines situations. On voit alors à quel point il a grandi dans la misère dans un bidonville de Bueno Aires, et on s’attarde aussi sur son début de carrière en Argentine.
Mais Maradona ne serait pas Maradona sans sa période napolitaine. C’est cette ville qui l’a divinisé, c’est cette ville qu’il a enflammée et c’est dans cette ville qu’il a vécu ses émotions les plus intenses. Dès le premier plan du film, on sent que l’on entre dans une aventure incroyable. La séquence est filmée à l’intérieure d’une voiture qui fonce à toute allure dans les rues de Naples. Et c’est pourtant loin d’être une voiture de sport, non, c’est la voiture d’un ouvrier du peuple, qui va droit vers le stade où l’on doit présenter Maradona. C’est la fête !
Si vous n’aimez pas le foot, passez votre chemin ! Une grande partie des séquences est issue d’archives de matchs disputés par Maradona. Et dans le monde du foot, il était étrange que Maradona, un des meilleurs joueurs du monde, quitte le FC Barcelone pour aller signer au Napoli en 1984. Club qui jouait chaque saison sa survie en série A, qui était à l’époque le meilleur championnat du monde. En effet, le Calcio d’Italie attirait à l’époque tout ce qui se faisait de mieux, avec notamment Platini à la Juventus de Turin. L’Italie était le pays où il fallait être si on voulait compter dans le monde du football. Enfin, le nord de l’Italie. Car en effet, la partie nordiste, riche, industrielle, méprise le sud et notamment le club de Naples. Les chants des supporters de l’Inter et de la Juve étaient tous plus atroces les uns que les autres envers la ville de Naples et sa population. Cela allait des insultes les plus vives à la simple injonction de se laver pour les napolitains.
Naples et Maradona, a posteriori, est pourtant une rencontre évidente. Lui, l’enfant d’extraction modeste qui a sorti sa famille de la misère. Naples, la ville du sud, passionnée de foot mais dont l’équipe n’a rien gagné ou presque avant l’arrivée de l’icône. Cela a tout du bon scénario de film et c’est pourtant la réalité. Comme dirait César, Maradona est venu, a vu et a vaincu. Mais au fur et à mesure qu’il emportait des victoires, sa personne se dissolvait dans la ville. Et il restait peu de choses du jeune Diego, beau, souriant, rieur, danseur, modeste. Personne adorée par ses proches. Diego a laissé de plus en plus de place au mythe Maradona. Mégalo, encombrant et surtout drogué. Car oui, le problème de l’addiction à la cocaïne de Maradona est évoqué en long, en large et en travers même si la première partie, qui relate l’arrivée à Naples, parvient à nous faire oublier la face sombre de ce personnage. Cela devient donc un véritable Rise and Fall. Mais quand on est monté si haut que Maradona, on ne peut que chuter. En effet, au travers de toutes ses victoires. Coupe du monde 1986 avec l’Argentine, le premier Scudetto avec Naples en 1987, Maradona a procuré un bonheur fou à des millions de personnes. Leur a donné de la fierté. Et ce bonheur, cette fierté, offerts au peuple ont un prix. C’est le prix que paye Diego tous les jours depuis qu’il est devenu un Dieu vivant. Et c’est ce qui a failli le tuer en 2004. Un comble pour un Dieu. Mais cela est bénéfique à sa légende qui s’écrit encore quotidiennement, car oui, c’est une légende, et sa présence devant la caméra en atteste tant il est magnétique.
Sa présence en voix off tout au long du métrage tend à l’iconiser encore davantage et lui permet de prendre un recul salvateur, et d’atteindre une certaine sagesse. Là est le tour de force de ce film, nous révéler enfin l’homme derrière le mythe. Retrouver Diego et mettre Maradona un peu en retrait.