Voilà comment SODERBERGH sait faire plaisir cinématographiquement, car même si cela laisse penser plutôt à une redite de ce qu’il à su faire avec sa saga « Ocean’s Eleven », l’originalité ici réside avant tout dans la toile de fond choisie et sa manière de l’utiliser dans tout le film. Car cette histoire de braquage ne ressemble en rien aux œuvres précédentes du réalisateur et offre un angle de vue assez singulier d’abord par le lieu choisi, mais surtout par le prisme social qu’il entreprend ici, creusant bien plus loin que la classique opposition entre ruraux et urbains. Là où la trilogie « Ocean’s » usait des ficelles usuelles du genre et jouant de l’incroyable plutôt que sur la subtilité du plan d’attaque, ce nouveau braquage met parfaitement en avant la place des protagonistes dans leur classe sociale, qui eux subissent véritablement leur condition et se voient obligés de monter quelque chose d’incroyable sur le papier mais dans la mise en œuvre plus « artisanale », et bien que les personnages font avant tout l’intérêt du déroulé des éventements plus que l’acte en soi, car c’est leur interaction dans un mode de vie bien loin de ceux qu’ils connaissent qui donne cette saveur si plaisante à ce qui se déroule. D’ailleurs, le dénouement du plan offre un moment qui ne peut que rappeler « Ocean’s Eleven » tellement cette élément est flagrant, à tel point que l’on peut se demander si SODERBERGH n’est pas en manque d’inspiration, le poussant à revisiter un genre qu’il a déjà bien abordé, et il en va de même en ce qui concerne le montage général du film, à l’image de la fin du film qui est clairement rythmée et exprimée de la même façon que sa trilogie à succès. En soi, cela n’a absolument rien de dérangeant puisqu’il montre clairement sa volonté de mettre en scène le paysage sociale des États Unis, et de faire du braquage un simple enjeu pour dépeindre l’Amérique profonde d’un côté, chose qui est faite à la perfection et bien loin des habituels clichés, mais surtout en abordant un sujet d’autant plus lié au Midwest américain et faisant pleinement partie de la culture, celui qui se joue autour des courses automobiles et des circuits qui y sont liés, mettant en lumière un écosystème social inédit en tant que tel, offrant des enjeux bien différents de ce qui est habituellement traité dans les films de braquages, et surtout qui donne lieu à certains moments tant passionnant que brillant dans l’écriture. Ce côté du scénario est l’une des forces de ce film, en plongeant une pléiade de personnages pures archétypes de cette tranche de la société américaine dans un univers original, assez méconnu pour les européens et qui compte clairement dans cette culture, et non pas que le sujet n’ai jamais été traité, mais la manière dont cela est amené dans le film est d’une singularité intéressante, qui laisse l’attention accrochée à chaque élément de leur plan et apporte son lot de messages sociaux. Il est indéniable que la confrontation de la société rurale à celle de l’ère urbaine (l’utilisation du circuit de course comme espace de vie à part entière est archi bien amené et utilisé) fonctionne à la perfection car cet aspect de réflexion sur ce qui est constitutif de la société américaine laisse traiter tout au long du film une vision passionnante puisqu’il devient évident au fur et à mesure que les deux faces de l’Amérique qui sont montrées ici sont indissociables, mais diffèrent par bien des aspects, et c’est sur ce constat que le scénario distille ses idées et critiques de façon à retenir l’attention sans aucuns efforts. L’image étant évidement à l’appui de cette exposition, tout est fait pour illustrer le poids du message donné, l’histoire du braquage offrant surtout une bonne dose de moments cocasses dus à cette opposition, néanmoins l’ensemble de ce qui est développé par le scénario fonctionnent très bien, donnant lieu à une vraie aventure, et même si le dénouement se traîne un peu trop pour ce qu’il souhaite apporter comme sens, il n’est pas difficile de se faire happer par cette histoire, dont certains détails scénaristiques sont très bien pensés, surtout en ce qui concerne les personnages qui sont sans aucun doute la pièce maîtresse de cette loufoquerie. Le casting est non seulement composé d’une belle poignée d’acteur qui ne laissent que peu de doute sur la qualité du métrage, sauf que là les attentes sont clairement dépassées, chacun d’entre eux offrant des héros bien malgré eux, et peu de fois l’expression ne semble avoir autant correspondu à la galerie de protagonistes exposés ici, tous aussi mémorables les uns que les autres, que ce soit par leur interprétation assez bluffante pour la majorité d’entre eux (même les rôles de soutien ou les « guest » sont irrésistibles), mais surtout par ce qu’ils peuvent incarner et apporter à cette observation passionnante de ce que l’on pourrait appeler assez péjorativement « l’Amérique profonde », sauf que SODERBERGH transforme cela en une force magistralement mise en scène et raconté de façon à en faire de vrais héros. Bien sur à commencer par la fratrie incarnée par C. TATUM, A. DRIVER et R. KEOUGH qui fonctionne aussi bien de manière unie qu’en tant que protagoniste à part entière, la part de tendresse dans un corps et un esprit d’une montagne de muscle et le lien familial qui est traité de façon très touchante à travers le personnage de C. TATUM en passant par la folie douce que représente celui d’A. DRIVER, chacun d’entre eux porte fièrement les traits du Midwest américain pour donner une puissance géniale aux différents messages sous-jacents de ce film, et donnant vie à de vrais personnages de cinéma dans le sens où chacun d’entre eux incarne un symbole identifiable sans équivoques, et qui donne ainsi un rythme à l’ensemble de l’histoire qui emporte aisément dans ce qui se déroule du début à la fin, avec finalement peu de baisse d’intérêt puisque la musique et le montage parviennent subtilement à faire oublier les différentes expositions purement scénaristiques, donnant à l’ensemble une certaine fluidité. Mais là où ce film fonctionne très bien aussi, c’est par le ton employé pour décrire et mettre en scène tout ces aspects très critiques qu’utilise l’ensemble du scénario pour raconter ce braquage assez singulier, puisque cela ressemble avant tout à une satyre sociale puisque l’humour est très présent à travers chacun des personnages, et des fois malgré eux par ce qu’ils peuvent illustrer, mais l’exemple le plus criant et le plus réussi de tout le film est le rôle du prisonnier qu’incarne D. CRAIG qui est non seulement parvient totalement à jouer à contre pied de ce qu’il propose habituellement, mais qui en plus est tordant de rire, tant par son look que par bon nombre de ses lignes de dialogues à se plier en deux, offrant là des moments mémorable à l’image de la scène de l’explosif maison qui est drôle à souhait, tant par la mise en scène que par l’interprétation somptueuse de CRAIG ainsi que ses comparses dans ce passage.
Donc sachant autant divertir que dépeindre une certaine réalité, SODERBERGH parvient à refaire du cinéma avec du sens qui peut parler tant au grand public cherchant à s’évader devant une histoire intéressant qu’au cinéphile plus exigeant concernant le contenu d’une œuvre de cinéma, et même si la facilité semble se cacher derrière cette nouvelle vision du genre qui avait sa renommée populaire, la vision et les messages portés par le réalisateur sont bien différents et bien plus proche de l’œuvre d’auteur que du spectacle commercial (expliquant aussi peut être un succès et une visibilité moindre que la trilogie « Ocean’s »), mais la recette consistant à allier réflexion et distraction dans les bonnes proportions semblent une fois de plus faire ses preuves, car ce film là est autant réussi par ce qui se déroule et la manière de le mettre en œuvre que par ce qui y est dépeint, et se faisant ce métrage à clairement sa place dans la filmographie du réalisateur, définitivement très éclectique.