Le retour de Steven Soderbergh surprend autant que ses twists habituels. Le père de la saga « Ocean’s » nous revient avec un nouveau braquage des plus anecdotiques. On explore les fossés de deux extrêmes, constamment relancés dans un récit très mouvementé. On y étudie ce qui distingue l’échec de la réussite, le riche du pauvre, ou encore la poisse de la chance. Le caractère peu encourageant est souvent associé à la famille Logan, qui aura toujours un cran de retard pour rattraper leur condition. Cela dit, le rêve Américain reste d’actualité avec une gourmandise qui rime avec ambition.
Victimes d’injustice dans une société oubliée du sud, les frères Logan, Jimmy (Channing Tatum) et Clyde (Adam Driver) tentent un casse particulier. Décidant de reprendre leur vie en main, ils vont essayer de surmonter leur condition physique qui les emprisonne dans une routine bien fastidieuse. Joe Bang (Daniel Craig) vient alors leur apporter l’expérience et la sérénité dans une affaire que personne ne domine au final. On aurait pu détourner davantage les codes en adoubant l’absurde, mais on préfère l’utiliser comme un pivot, sans qu’il ne transcende l’écran. Aidés par ses deux frères, encore plus perchés que lui, l’opération prend une tournure comique, mais futile face à au thème principal. En effet, ce casse n’est qu’un prétexte de plus pour dénoncer une certaine mentalité.
On garde à l’esprit une comédie simpliste, travaillée sur des dialogues à en faire relâcher la pression. Mais le ton change clairement dans l’approche de l’équipe montée. On ne s’adresse plus à des protagonistes qui profitent pleinement de conditions saines dans leur intervention. Moins riches, donc plus exotiques, les Logan se livrent dans une aventure où leur naïveté tutoie nettement la chance. Intouchables par choix du metteur en scène, on jour sur l’approximation des situations pour que l’humour fasse son effet. Très peu de décalage, le sujet est maîtrisé sans que certaines longueurs viennent troubler le visionnage. Désormais, le talent de mise en scène n’est plus à remettre en cause, car malgré un recyclage poussif, c’est dans les acteurs que le réalisateur confie la survie de son comeback.
Et au-delà de la magouille que préparent la fine équipe de bras cassées, on peut entrevoir un message sur un état dans le fond du panier. Exilé de toute influence politique, les habitants, à l’image des Logan et de leur entourage, sont soumis à des conditions qui n’évolueront pas en leur faveur. Aucune opportunité ne viendra les soutenir pour les plus courageux. La majorité s’isole dans leur routine qui les fait régresser, voire échouer. On passe par de nombreux exemples afin de nous montrer que la sécurité à la santé est compromise ou que les industries ne donnent signe de vie que par intermittence, comme pour le NASCAR ou pour les authentiques concours d’enfants. Et il en va de même sur les interventions sportives que sont les courses de voiture, greffées dans une tradition plutôt mondaine dans l’histoire de la nation.
Après avoir réussi un magistral remake, Soderbergh nous prend à contre-pied en nous proposant une parfaite antithèse des Ocean’s. Le réalisateur parvient à déterminer avec justesse la notion d’équilibre entre le divertissement et la morale qui pousse à réflexion dans l’intrigue. « Logan Lucky » développe ainsi un propos très axé sur un rapport de force vis-à-vis du système. Les deux frères conditionnent l’image de héros Américains, à savoir le soldat et le grand joueur de football. Chacun y a sacrifié son ambition ou sa passion, que ce soit pour le collectif ou sa performance individuelle. On parvient alors à prouver que les limites de ce genre de réalisation sont repoussées, signant ainsi un discours assez équilibré entre une étude sociale et un braquage en toile de fond.