Ce petit malin et joueur de Steven Soderbergh, élevé dans les trames du cinéma indépendant, revient sur grand écran (après quelques séries, l’excellente The Knick pour l’exemple, et autre téléfilm, Behind the Candelabra).
Malin, car joueur de thèmes et de genres. Si son dernier film Logan Lucky semble avant tout n’être que le frère redneck de son Ocean’s Eleven, c’est plus loin qu’il faut porter le regard pour voir dans ce thriller farceur un énième film du réalisateur qui se joue des à nouveau codes des genres. On peut également admettre qu’entre ces lignes une certaine objectivité n’est que partiellement de mise, à l’égard du regard qu’on porte sur la qualité intégrale de l’ensemble de la filmographie du metteur en scène, qui a toujours su aborder différents genres sous un angle unique en y apposant sa patte reconnaissable. Sans se répéter, il revisite dans les règles de l’art le film de braquage, pose en filigrane un regard critique sur ses personnages, reflets eux-mêmes de certaines valeurs de la société, voire de stéréotypes à désamorcer (de là à voir un clin d’œil à l’électorat « trumpien » qu’on prenait à la légère… ( ?) sic.). Même en prenant le risque de répéter la recette convenu de ses précédents films qui abordaient déjà le genre, Logan Lucky reste assurément malin, à tel point que la fin bien que téléphonée dans son twist, prend des allures de calques, mais difficilement trouvables. Pour un premier scénario (de Rebecca Blunt), c’est un très bel exercice dans le style.
Formellement on retrouve la grammaire de Soderbergh apparue depuis The Girlfriend Experience, cadres aérés, montage qui prend son temps, comédiens dirigés avec subtilité qui nous vont voguer entre second degré et sérieux, avec cette frontière souvent invisible chez le cinéaste. On le retrouve (sous pseudonymes) à la photo et au montage, mais tant que le talent est là, rien à redire.
Le rendez-vous est donc pris, avec un plaisir certain, ambiance déjantée, second degré, où les apparences sociales et d’actions sont trompeuses comme chez le cousin Ocean. Ne pas y voir la facilité d’un scénario malin sans rien au-delà, Logan Lucky est plus que ça, une jolie démonstration d’un film équilibré, quand on maîtrise à ce point le rythme d’un long-métrage, l’ambiance, les pauses comme les accélérations, l’arrêt au stand sur l’aspect psychologique de ses personnages, un tout en somme fait de plain de choses, dont l’ensemble du casting, délicieux dans des rôles à contre emploi (la liste serait trop longue pour citer qui que ce soit, ils sont tous géniaux), en pleine exagération, dont l’hyperactif Soderbergh serait le pilote afin de ne rien laisser en conduite automatique. Belle surprise dans une semaine chargée (niveau sorties) où il faut faire des choix, Logan Lucky en est un, assurément.