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stebbins
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4,5
Publiée le 7 décembre 2011
A une époque où le cinéma était un désir, un vecteur ainsi qu'un synonyme de liberté... Philippe Garrel accouchait du Révélateur : objet précieux, intemporel, presque inconcevable pour un réalisateur d'aujourd'hui, ce moyen métrage intégralement muet bénéficie pourtant encore et toujours d'un ravissant Noir et Blanc. La photographie de Michel Fournier s'avère littéralement hypnotique, le chef opérateur étant parvenu à tirer une grâce inouïe du dispositif, et ce à partir d'un budget ridicule. Le Révélateur, film hautement visuel et sensoriel, pourrait d'une certaine manière se passer d'explication. Inénarrable, le moyen métrage suit trois personnages - un enfant, son père et sa mère - au coeur d'un pays a priori reculé, éloigné, débarrassé de la civilisation. Privilégiant la mise en scène pure, Philippe Garrel dirige ses acteurs d'une main de maître, assumant son penchant pour l'artifice et surtout la pantomime. Il en résulte un film fondamentalement singulier et donc unique, capable d'accrocher notre regard d'un bout à l'autre. Somptueux et sidérant.
Je suis assez partagé sur le film, bien que comme toujours chez Garrel on ait de très belles scènes, à cause de son concept que je trouve un brin facile : l'absence de bande sonore. On a donc un film sans aucune voix, sans aucun dialogue, sans aucun bruit, sans aucune musique, rien juste le silence. Lorsque je regarde des films muets et que par malheur je n'ai pas la bande son avec je mets de la musique pour "combler" le vide auditif. Mais là ce n'était pas une vieille version libre de droit où l'accompagnement n'a pas été enregistré, ça a été pensé pour être sans bande son, donc j'ai respecté cette volonté. Et franchement j'accroche pas.
Bresson disait que le cinéma parlant avait inventé le silence et là justement j'ai l'impression qu'on va à contre-courant, là où dans un film moderne le silence indique quelque chose, ici il ne s'impose jamais comme un contraste par rapport à ce qui se passe avant ou après dans le film, il ne marque pas une rupture, il n'y a juste pas de son. Bref c'est vraiment déstabilisant et on peut au moins reconnaître ça au film.
Cependant, bien que je n'ai pas été passionné, comme dit certaines images fonctionnent réellement bien et il y a plein d'idées visuelles qui permettent de raccrocher parfois au film qui du coup m'a paru assez cryptique. J'aime notamment les errances dans cette forêt de conifère alors qu'on film ce couple en travelling arrière, ça fait vraiment forêt de contes. J'apprécie également toute la longue séquence de poursuite où les parents et l'enfant courent dans un champ (le gamin qui semble être un cosplay d'Agnès Varda) se baissent, rampent et semblent éviter des balles que l'on ne voit pas et que l'on n'entend pas. Il y a plein d'idées du genre dans le film, comme par exemple le fils qui regardent ses parents se disputer sur une scène de théâtre... mais j'ai plus l'impression d'avoir vu une suite d'idées qu'un film réellement passionnant en lui-même.
Dans l'ensemble, ça ne m'a pas vraiment emballé et pourtant je suis assez friand de cinema expérimental (je conseille surtout Dog Star Man et Chandmani Sum), l'esthetique est très réussie et il y a quelques moments de beauté mais l'intellectualisme et l'auteurisme prennent rapidement le pas sur l'émotion, comme chez Jean-Luc Godard. Dommage.