Décidément, Kathryn Bigelow est une fille épatante! Elle fait des films de mec dans un monde de mec, et ça fait du bien, de ne pas voir des femmes-réalisatrices confinées à des petites histoires sentimentales et domestiques... Vive Kathryn!
Il est vrai que ce n'est pas n'importe qui. Elle se destinait à la peinture. Elle a suivi les cours de Richard Serra. Elle a fréquenté des intellos comme le compositeur Philip Glass... C'est une fille forte!
Les émeutes de Detroit, 1967. Un petit dessin animé violemment coloré résume en quelques phrases la situation. Les Noirs sont remontés vers les états du Nord, où leur égalité n'était pas constamment remise en question (du moins en théorie...). Les Blancs ont quitté le centre des grandes villes pour les banlieues; Le chômage a commencé à ébranler une région essentiellement industrielle. Et, au milieu de villes comme Detroit, sont apparus des nids de pauvreté, essentiellement peuplés de Noirs, pas de jobs, pas de frics. Mais des flics! Des flics en pagaille, qui cherchent de la drogue, qui embarquent tous les clients d'un dancing plus ou moins déclaré, la colère se met en marche.Le film n'est pas manichéen en ce qu'il montre comment les réactions d'une partie de cette population ont été irrationnelles. Ils brûlent leurs propres quartiers, détruisent leurs propres maisons, et pillent les magasins de leurs "frères de couleur". Le gouvernement débordé fait appel à l'armée, à la garde nationale....
A côté de ça, parce que Detroit c'est aussi la ville de la Motown, il y a des petits jeunes pas du tout politisés qui n'ont qu'un rêve: faire enfin, un disque! En voila cinq et leur groupe, les "Dramatics", sur le mode des "Supremes", et si c'est de la fausse musique noire destinée à faire danser les Blancs: tant mieux!
Kathryn Bigelow a choisi de se polariser sur un fait, particulièrement lamentable. Les événements qui se sont passés au Motel Algiers, essentiellement fréquenté par les Noirs, mais où il y a aussi deux petites putes blanches qui aiment bien la piscine, et puis leurs potes noirs, un peu mauvais garçons, rigolos. Larry et Fred (Algee Smith et Jacob Latimore), deux des "Dramatics" se retrouvent là un peu par hasard. Les gentils potes noirs ont un peu trop fumé, il y en a un qui s'énerve, qui tire avec un pistolet de stade, et puis il y a des coups de feu qui partent, apparemment de l'Algiers (la justice n'a jamais pu éclaircir ce point là), en direction des troupes qui sont massées un peu plus loin.... et le cauchemar commence; la police débarque, à sa tête il y a Krauss (Will Poulter), un ignoble raciste qui a déjà tiré dans le dos d'un pillard (ben, s'ils s'enfuient, faut bien les arrêter non?). La dizaine d'occupants de l'Algiers passe une nuit d'horreur, frappés, terrorisés -on leur fait croire qu'ils sont supprimés un par un- et parmi eux, trois sont abattus. La garde nationale pense que ça tourne mal et préfère se retirer. (Tout ça, ça regarde la police de la ville, pas vrai?) Parmi eux, il y a l'honnête Dismukes (John Boyega), vigile qui veut protéger son quartier mais qui n'ose pas s'affirmer, et qui est là, témoin hagard...
Il y aura ensuite des gens honnêtes parmi les Blancs qui porteront secours aux victimes. Qui voudront faire éclater la vérité. Mais au procès, face à des témoins qui ont tous un certain nombre d'accrocs à leurs casiers judiciaires et avec un jury parfaitement monocolore, Krauss et ses trois hommes sortiront acquittés...
Cinéma d'action, cinéma choc, mais au service de quelque chose. Comme dans Zero Dark Thirty et surtout Démineurs, montrer la réalité moche dans toute sa mocheté, mais la montrer en accrochant le spectateur pour qu'il n'en oublie rien. Elle reprend les traces d'Oliver Stone, mais avec infiniment moins de tape-à-l'oeil.
Bref, à voir AB-SO-LU-MENT!