Ni juge ni soumise" est le premier long-métrage issu de Strip tease, émission de télévision documentaire belge, devenue culte, créée sur la RTBF en 1985, puis belgo-française depuis octobre 1992 et sa diffusion sur France 3 . Pendant trois ans les réalisateurs, Jean Libon et Yves Hinant, ont suivi à Bruxelles la juge Anne Gruwez au cours d’enquêtes criminelles, d’auditions, de visites de scènes de crime. Leur écriture comme ils le précisent, « c'est une comédie à sa manière, grâce à des séquences mêlant l’humour noir, l’absurde, l’amertume des situations, parfois un peu de vulgarité, de la poésie, du désespoir, le tout ancré dans notre époque ». Ni juge ni soumise a pour fil rouge une enquête criminelle. Un cold case, ou dossier froid, l’assassinat il y a une vingtaine d’années et à quelque temps d’intervalle de deux prostituées et que la juge veut rouvrir car ces meurtres non élucidés lui ont laissé un souvenir amer…elle missionne donc trois policiers de la criminelle de reprendre l’enquête. En même temps, nous la suivons dans le quotidien de ses auditions de petits malfrats, d’affaires familiales et même de meurtre, autant de prétextes à décrire les turpitudes de l’âme humaine, à la fois noire, drôle, grinçante ou cruelle…Notre juge est très rock n’ roll, à l’anticonformisme réjouissant , dotée d’un physique de bande dessinée et d’un phrasé à l’incomparable pointe d’accent belge, .arpentant Bruxelles dans sa 2cv Citroën , montrant au passage divers lieux de ses enquêtes les plus marquantes…Le film est précédé d’un avertissement , certaines scènes , propos ou images pouvant heurter la sensibilité des spectateurs. Et effectivement les spectateurs sont servis, madame la juge a un langage pour le moins direct sinon cru pour s’adresser à ce qu’elle appelle ses « clients »…prenant le temps de se faire décrire les « spécialités » de cette prostituée reconvertie en maitresse sadomasochiste, nous invitant à suivre une exhumation de cadavre présentée avec surréalisme où elle débarque en haut talons bleu pailletés et sous un parapluie rose en guise d’ombrelle, offrant d’abriter du soleil le médecin légiste un peu pâlichon ( pour un légiste, cela se comprend !!) …on rit beaucoup, mais au fil du temps on s’aperçoit que c’est un rire jaune…ou un rire forcé pour masquer notre gêne…Où est le secret de l’instruction ? Est-ce un documentaire ou une fiction ? Comme les personnages jouent leur propre rôle et s’expriment à visage découvert, et que tout écrit préalable est exclu, c’est un documentaire…un documentaire sur l’état du crime et de la justice…mais pourquoi cet échantillon d’humanité qui échoue dans le bureau de cette juge hors norme, est-il biaisé ? La quasi-totalité des prévenus sont d’origine maghrébine et quand ils ne le sont pas, turcs ou des Balkans…Pas le moindre belge bon teint parmi sa « clientèle »…C’est regrettable…Est-ce vraiment la comédie du réel ou la fausseté de la représentation …Strip-tease était souvent marquée d’ambigüité…Tout ceci est un peu trash…et le goût de la provocation des réalisateurs les conduit à des profanations et à terminer le film par la confession impressionnante d’une infanticide guidée par la voix de Satan…son visage est marqué par la folie, et là on a plus du tout envie de rire…c’est la gêne qui nous saisit...