Beaucoup de gens gardent foi dans le talent d’Andrew Niccol depuis le mémorable ‘Bienvenue à Gattaca’, au point d’oublier inconsciemment des fours comme ‘Les âmes vagabondes’ : même s’il n’a jamais vraiment transformé l’essai avec les films qui ont suivi, l’oeuvre fondatrice du réalisateur fut suffisamment marquante pour que Niccol reste, encore aujourd’hui, le “réalisateur qui pense la distopie pacifiée en termes systémiques�. A ce titre, malgré son rachat par Netflix qui l’afflige du sceau infamant de “Film dont personne d’autre n’a voulu�, ‘Anon� est peut-être bien ce qui se rapproche le plus de ce brillant film fondateur, si pas en terme de qualité, au moins dans l’esprit. Dans le futur proche où se déroule l’histoire d’Anon, tout le monde est ultra-connecté, donc ultra-surveillé et la transparence absolue est le clé de voûte du système. C’est donc toute la stabilité de ce système qui est menacé par l’apparition de “hackers-à-gages� capable de faire disparaître preuves et événements en façonnant une autre réalité numérique, sur les archives mais aussi en direct, grâce au hacking des dispositifs de réalité augmentée. Sur la forme, Niccoll ne fait pas assaut d’originalité, même s’il n’est jamais déplaisant de retrouver les codes du Film Noir dans un autre contexte que les années 40 : un flic brisé, une femme fatale, un monde nocturne de néons criards qui illuminent les infinies nuances de gris d’une architecture brutaliste : il n’en faut jamais plus pour donner envie que le présent dure encore longtemps ! Si l’enquête donne parfois l’impression de se prendre les pieds dans sa propre logique, elle ne peut jamais être prise en flagrant délit de portnawak, et c’est plus la vague impression d’un script à l’imprécision tout aussi vague, qui aurait visé trop haut et ne serait pas parvenu à faire passer ses subtilités de façon claire, qui s’installe. A côté de ça, même si on éprouve l’impression persistante qu’il aurait pu pousser les choses plus loin (la meilleure idée du film, le cyber-visio-harcèlement dont l’inspecteur est victime, s’arrête assez vite), ‘Anon’ parvient quand même à faire durer sans trop s’essouffler une enquête sans preuve puisqu’elles ont disparu, sans vérité puisqu’elle se base sur des preuves, et sans point de vue puisque traité par le prisme d’un dispositif oculaire, ce dernier n’étant lui-même plus tout à fait fiable : c’est ce qu’on retire du film au moment de son petit discours sur-explicatif en conclusion, qui met en garde contre le cyber-surexposition et dont on se serait bien passé..mais après tout, même quand il y des preuves, une vérité et un point de vue, ce ne sont pas tous les polars qui arrivent à convaincre.