"Sound of Metal" se présente comme une expérience sensorielle puissante. Un coup du destin douloureux qui oblige à reconsidérer entièrement sa raison d'être. Ruben, un jeune batteur d'un groupe de métal est soudainement atteint de surdité. Est-ce passager ou pour la vie ? Ce dernier, traversant les Etats-Unis avec sa petite amie dans leur van, ne peut se résoudre à perdre définitivement l'ouïe et va tout faire pour réunir la somme nécessaire pour se faire opérer et obtenir un appareil auditif afin de continuer à vivre comme il l'a toujours fait. Entre lutte, déni, adaptation et acceptation, on suit le cheminement chaotique d'un musicien confronté à son pire cauchemar. La première réalisation de Darius Marder s'ouvre de façon magistrale, entre les bruits cacophoniques de la batterie et, d'un coup, le son dissonant et aiguë qui semble être un acouphène, gênant Ruben en pleine performance scénique. Ce film traite avant tout de traumatisme et de résilience, de défi de vie et de réappropriation de soi. Il met aussi en lumière une communauté d'oubliés, à savoir des sourds en réinsertion. Tout ça servi dans un beau mélange de sons, entre musique déchainée et perceptions plus subtiles. C'est d'ailleurs par ce biais que le réalisateur parvient à nous faire partager le ressenti de son personnage principal. On est dès le début dans sa peau, ce qui anime en nous beaucoup d'émotions contradictoires, de réflexions sur notre propre existence. La panique, l'agitation et le désarroi du personnage nous sont directement perceptibles. On entend ce qu'il entend, ou, au contraire, ce qu'il n'entend pas ou plus. Le film n'a pas volé son Oscar du meilleur son car le travail est à tout point de vue remarquable. La réalisation est fluide, organique et instinctive et ne sombre jamais dans le pathos ni dans les facilités de servir un personnage "modèle", acceptant trop facilement son handicap. Riz Ahmed, dans ce rôle d'ancien toxico, délivre une performance bluffante qui saisit par son intensité, sa rage et sa sensibilité. Il a effleuré l'Oscar de peu... J'ai été un peu moins séduit et emporté par la dernière partie "parisienne" où Mathieu Amalric s'empare d'un second rôle assez creux et anecdotique. Bizarrement, même si l'univers sonore continue d'être approfondi, ça m'a sorti du film et de la quête de renouveau de Ruben. Mais une chose est certaine, "Sound of Metal" laisse une trace, pousse à reconsidérer notre chance et la prouesse de Riz Ahmed vaut à elle seule le détour.