Pour la première fois dans l’histoire d’Astérix, Louis Clichy et Alexandre Astier commettent un petit sacrilège : ne pas adapter une bande dessinée mais offrir au héros casqué une histoire originale. Même si elle lorgne quand même pas mal du côté de deux vieux albums que sont « Le Devin » et « La Serpe d’or », le scénario d’ « Astérix et la secret de la potion magique » est donc sorti de l’imagination fertile du créateur de Kaamelott . A la direction artistique, Louis Clichy livre une copie trépidante, qui va à 100 à l’heure et qui ne laisse pas une minute de répit au spectateur, à l’image de la scène d’ouverture. Les 90 minutes du film filent à toute vitesse et l’on voit arriver le générique de fin avant d’avoir eu le temps de dire « Ouf ! ». Rythmé par une musique sautillante mais aussi par une reprise tonique « You speed me round » (que les gens de ma génération, et donc celle d’Alexandre Astier connaissent bien), le long-métrage tient très bien la route, embarquant à son bord les grands comme les petits qui, comme à chaque fois, y trouvent chacun leur compte, même si ce n’est ni aux mêmes gags, ni aux mêmes moments. On retrouve dans « Astérix et le secret de la potion magique » des tas de petites références pour les grands enfants que nous sommes, de « Kaameloot » bien-entendu au « Seigneur des Anneaux », en passant par « Transformers » ou « Superman ». C’est cela qui fait d’un film d’animation aujourd’hui une réussite et qui draine le public au-delà de 10 ans, et le film Clichy-Astier le fait aussi bien qu’avec « Le Domaine des Dieux ». Le dessin est net, il parait même un peu artificiel comme tous ces films d’animation très propres, très produits en numérique. Heureusement, deux séquences viennent apporter une vraie plus value au film. La première est à base de pérégrinations sur une carte, de la 2D par excellence à l’ancienne. La seconde, un flash back uniquement au crayon, à base d’esquisses et de traits rageurs de fusains, est plus poétique, et renvoi à la BD dans ce qu’elle a de plus fort : le trait de crayon ! On retrouve du coté du casting voix, les mêmes acteurs ou presque : Christian Clavier remplace Roger Carel (qui a raccroché) et Alex Lutz incarne Teleferix, le jeune druide fougueux et prometteur qui tape dans l’œil de Panoramix. L’idée géniale, c’est d’affubler Teleferix d’un accent alsacien à couper au couteau qui a bien fait rire le public. On offrira une mention spéciale à François Morel en Ordraphabétix, toujours truculent et à Serge Papagalli en Abraracourcix, parfait comme dans l’opus précédent. Côté scénario, on laisse plus ou moins tomber les romains pour ce concentrer sur le personnage de Panoramix, sa psychologie, son histoire, son obsession de la transmission (qui vient quand même sur le tard !) et son foutu caractère de sanglier. J’ai trouvé, pour ma part, le scénario moins subtil que celui du « Domaine des Dieux » qui offrait une lecture à plusieurs niveau, avec une critique sociale, économique et même, osons les grands mots, sociologique en toile de fond. Ici, le scénario est plus brut, plus simple, plus binaire aussi. Encore que… le personnage du méchant, Sulfurix, est bien entendu vénal et machiavélique mais il pose une bonne question qui reste plus ou moins sans réponse : Pourquoi réserver la potion magique au seul village breton et ne pas s’en servir à grande échelle pour chasser les romains de toute la Gaulle ? En voulant subtiliser la recette, Sulfurix veut bien sur se faire du sesterce, c’est entendu, mais il veut également la vendre à César pour que cesse les affrontements. Sulfurix, mine de rien et sous ses airs de Saroumane (il lui ressemble beaucoup !), ne tente-t-il pas d’instaurer une sorte de « paix atomique » digne de la Guerre Froide, une sorte d’équilibre de la terreur afin de mettre fins aux combats ? Après tout, si tout le monde à la potion, il ne sert plus à rien de s’en servir pour se battre ? Sulfurix se proclame « pacifiste » avant de se faire pulvériser, ce qui en fait un méchant un peu atypique, quand même… La transmission du savoir est donc au centre du scénario, mais l’égalité des sexes n’est pas en reste. Que ce soit avec le rôle de Pectine ou bien le « girl power » des femmes restées seules au village, les femmes, qui n’ont jamais été vraiment mise à l’honneur chez Astérix (question de contexte), commencent à montrer le bout de leur nez et à mettre les pieds dans le chaudron de potion magique, signe des temps…