Vous vous souvenez de ce qu’il s’est passé en pleine mer de Barents en août 2000 ? Laissez-moi vous rafraîchir la mémoire : en date du 10 août, le sous-marin K-141 Koursk appareille pour effectuer un exercice de grande ampleur sur plusieurs jours au sein de la Marine russe. Malheureusement, c’est l’accident bête et dévastateur deux jours plus tard. Si dévastateur que les ondes de l’explosion ont été enregistrées par différents appareils de mesure sismique, jusqu’en Alaska ! C’est vous dire ! Mais ce qui donne à cet événement un aspect si particulier, c’est la prise en compte calamiteuse de l’accident, et la gestion désastreuse des opérations de secours, choquant au passage l’opinion publique et celle des autorités, et ce à l’échelle mondiale. Et après une production compliquée en raison du coût du projet, voilà qu’on nous propose de vivre de l’intérieur ce drame tragique. Pour cela, il a été mené alternativement deux points de vue : celui donné depuis les bas-fonds, et l’autre depuis la surface de la terre, que ce soit le plancher des vaches (pour le coup très rassurant) ou les eaux. C’est très bien vu, d’autant que c’est parfaitement orchestré par un montage véritablement cousu main. La réalisation n’est pas en reste, Thomas Vintenberg maîtrisant parfaitement son sujet. En effet, il a su retranscrire l’étroitesse des coursives par une caméra à l’épaule, alternant avec un maniement plus posé, sans utiliser de grands effets de styles qui, avouons-le, auraient été inutiles… si ce n’est cette petite séquence où il feint de se laisser enfermer dans un compartiment en passe d’être inondé, ce qui n’est pas très novateur en soi. Mieux, le mal des profondeurs n’a pas été oublié (à cause de la profondeur ? ou de la claustrophobie ? à moins que ce ne soit un mélange des deux ?). Pour couronner le tout, non seulement il a su prendre le temps de nous présenter les principaux personnages du Koursk, nous les rendant définitivement sympathiques, mais en plus il a su imprimer le rythme qu’il fallait pour intégrer une touche de dramaturgie sans que ce soit trop lent. J’ai pu lire ici et là que c’est trop lent et qu’il y a pas mal de longueurs. Ok, admettons. Mais alors comment retranscrire alors l’interminable attente des survivants sur lesquels le mal des et des trop longues tergiversations du Kremlin et de son armée ? Ceci étant dit, j’ai tout de même noté une petite longueur, notamment quand Mikhail a une dernière pensée pour son fils. En dehors de ça, c’est prenant, même quand on sait comment tout cela se termine. Car je ne sais pas vous, mais j’ai espéré quelque part que ça se termine bien. Dans ce cas, cela aurait été un grave préjudice par rapport à l’Histoire et à la mémoire de ceux qui ont péri. En prime, cela aurait été à juste titre très critiquable. Au prix d’une documentation poussée, nous revivons donc de l’intérieur ce tragique accident, et impossible de ne pas être choqué, scandalisé, horrifié par d’une part les discours des officiers et d’autre part les décisions du Kremlin et de l’état-major de la Marine russe. Et même si le tout se conclut sur une belle pirouette des plus savoureuses, impossible de ne pas être touché par ce film, en partie grâce au formidable jeu des acteurs : Matthias Schoenaerts en tête, lequel confirme tout le bien qu’on pense de lui avec un charisme qui lui permet d’avoir une forte présence à l’écran et du même coup d’imposer le plus grand respect à son égard, de la même façon que les hommes qui l’entourent ; Colin Firth, bien évidemment, dont le talent suffit à lui seul à exprimer l’ampleur du désastre sans la moindre réplique (limite si on n’a pas la même tête en sortant de la salle) ; et puis quelques rôles secondaires notables comme Magnus Millang avec sa tête de bon nounours, ou encore Max von Sydow, détestable à souhait, comme tous ses camarades haut-gradés. « Kursk » est donc un film solide, traité avec tout le sérieux qu’il méritait, balancé par une musique encore une fois très bonne d’Alexandre Desplat (notamment quand elle vient renforcer les moments de tension et le suspense), bien que j’attendais les chœurs de l’Armée Rouge comme cela avait été fait pour "A la poursuite d’Octobre Rouge". Mais concernant ces chœurs, c’est un… comment appeler ça ? un « souhait » (qui finalement n’en est pas un et c’est pour ça que je mets ce terme entre guillemets) très personnel qu’il faut prendre avec des pincettes car la musique jouée par un orchestre philharmonique et les voix juvéniles ont parfaitement leur place ici. Dans tous les cas, il est très probable que vous ressortiez avec l'air grave devant ce qui est finalement un énorme gâchis. Gros bémol toutefois sur le fait que toutes les nationalités représentées parlent la même langue...