Le réalisateur Rafi Pitts est un mélange de mère iranienne, de père anglais, de beau père français qui s’est vu interdire le retour dans son pays par les mollahs …aussi est-il fortement concerné par les problèmes d’immigration. Dans Soy Nero, il s’est inspiré de la vie de Daniel Torres, green card soldier, engagé dans l’armée avec une fausse carte d’identité et expulsé vers le Mexique après la perte de ses papiers d’identité et ce, malgré un premier engagement en Afghanistan. Dans le film, Nero a dix neuf ans, il est né et a vécu à Los Angeles puis s’est fait déporté au Mexique faute de papier. Etranger au pays de ses parents, il est décidé à repasser la frontière pour rejoindre son frère Jésus qui vit à Los Angeles, avec l’intention de s’engager pour obtenir la green card soldier et la nationalité américaine à l’issue d’un engagement de deux ans. Le film est construit en trois parties…la première voit Néro retenter le passage de la frontière un premier janvier en profitant de l’attention portée par les gardes frontière au feu d’artifice du nouvel an…quand on se rappelle les difficultés du passage des clandestins de Rêve d’or de Diégo Quemada-Diez, on peut s’étonner de la relative facilité de son propre franchissement…il rejoint Los Angeles en stop, tombe sur un américain plutôt sympathique mais qui ne manque pas de lui montrer le révolver qu’il garde dans sa boite à gants en lui précisant qu’il a fixé ses propres limites…A Los Angeles, il rejoint son frère Jésus, ancien mécanicien qui a trouvé un emploi de domestique avec sa compagne dans une magnifique villa de Beverley Hills, et qui l’espace de quelques heures tente de persuader son frère qu’il en est le propriétaire…dans une troisième partie, nous retrouvons Néro sous les armes, avec trois autres soldats dans un improbable poste au milieu d’un quelconque désert, en Irak ou en Afghanistan …l’attaque d’une voiture piégée et de partisans le rejette sur une route aride pour rejoindre la base la plus proche…rencontrant une patrouille il ne parvient pas à justifier de son identité…la dernière image le montre à nouveau seul sur une route désertique , l’horizon parsemée de mirages , cette Amérique qu’il poursuit pouvant être l’un d’eux…A la recherche de droits et de papiers, ces green card soldier risquent leur vie sans avoir l’assurance d’être reconnu comme de vrais américains…les premières images montrent d’ailleurs Néro assistant à l’enterrement d’un ami mexicain à qui la citoyenneté américaine est enfin reconnue sous forme d’un drapeau étoilé, plié en forme de cœur remis à sa jeune veuve…le film n’est pas exempt de certaines longueurs, notamment dans ce poste au coté désert des tartares , et où le temps s’écoule comme pétrifié en attente d’un invisible ennemi …du Mexique au Moyen Orient tout est frontière, murs, portails, grille infranchissable…et Nero les franchit ou pas, avec candeur et dans une profonde solitude.