Le cinéma de genre français, moi, presque par définition, ça m’attire forcément… Le système de financement dans ce pays est tellement discriminant à l’égard de ce type de cinéma que seuls les vrais rebelles persistent sur cette voie. Et pour moi, quand il est question de cinéma français, être rebelle c’est juste un pré-requis indispensable pour espérer me séduire… Alors certes, ce n’est pas parce qu’on est rebelle qu’on est forcément bon, et malheureusement ce « Grave » est un peu venu me le confirmer. Ce n’est pas l’intention, le genre ou bien même encore le propos qui me posent souci dans ce film. Ce qui me pose souci, c’est que ça manque clairement de savoir faire pour que ça marche sur moi. Le pire, c’est que sur le dernier quart d’heure – au moment où le film se lâche totalement dans son délire – je me suis dit : « Ah c’est quand même bien vrai qu’il y avait quelque-chose à faire avec ça. » Sur la fin – oui – le film était malaisant à souhait ; totalement à fond dans son état d’esprit barré. Et même si c’était cheap dans la forme ; même si c’était un peu grossier dans la trame ; au moins ça marchait. En tout cas, ça marchait sur moi. Ça marchait parce qu’au moins c’était clair sur ses intentions. Ça n’allait pas dans la demi-mesure. Enfin ça s’engouffrait dans cette faille de ambiguïté qui est le meilleur des instruments pour générer le malaise… Le problème, c’est qu’avant tout ça, pour moi le film échoue dans la plupart des choses qu’il tente. Et s’il échoue, c’est parce que – clairement – l’outil cinématographique n’est pas maîtrisé. L’intro est super plate, la photographie totalement aléatoire, la composition des cadres ne traduit aucune intention de la part de l’auteure. Ce n’est pas compliqué, moi qui ne savais pas de quoi il était clairement question, à aucun moment j’ai trouvé que cette introduction ne savait poser quoi que ce soit. Et voilà qu’on nous plonge, après une introduction de dix minutes totalement inutiles, dans l’univers du bizutage des facs de médecine. Soit. Là aussi ça aurait pu marcher s’il y avait eu un vrai parti pris visuel et un vrai savoir-faire formel. Au lieu de ça, il faut attendre trois quarts d’heure pour qu’on comprenne enfin de quoi il est question :
l’appétit cannibale de l’héroïne
. Et franchement, qu’est-ce que c’est mal amené ! A aucun moment je ne me suis senti pris dans l’état d’esprit du personnage principal. Je regardais extérieurement, observant les scènes s’enchaîner sans n’accorder de sens et de crédibilité à aucune. Quand on a vu la fin, certes, après coup, beaucoup de choses prennent du sens (
pourquoi on insiste sur le végétarisme de la famille ; pourquoi la sœur force l’héroïne à bouffer son bout de viande ; pourquoi l'héroïne est une vraie morfale sur son grec ; pourquoi l’histoire du « doigt » ne prend pas la tournure attendue ; pourquoi la scène de l'accident de voiture tourne ainsi…
). Cependant, sans avoir vu la fin, les scènes s'enchaînent telle une accumulation de non-sens qui ne cesse de rompre la suspension consentie d’incrédulité. Je suis désolé, mais pour moi, pour qu’on accepte de croire en un acte fou et insensé, il faut que la forme soit capable de nous plonger dans ce cadre fou et insensé. Là, avec cette forme plate, tout sombre au ridicule. Le pire, c’est que les idées étaient là, notamment toute ambiguïté que le film parvient à poser entre l'éveil sexuel et l’appel de la viande. Idem, quelques scènes fonctionnent formellement (
la scène de l’épilation, la scène de panique sous les draps
). Enfin, l’idée d’associer les pulsions glauques de l’héroïne aux jeux et à l’ambiance morbide de la fac de médecine était une idée plutôt bien pensée. Enfin bon… Le résultat final malheureusement est là. Du début jusqu’au dernier quart d'heure, je n’ai cessé de grimacer sur mon siège soit parce que je trouvais le film moche, ou chiant, ou ridicule, ou les trois à la fois. Alors OK, ça été fait avec les meilleures intentions du monde, mais au bout d’un moment, quand on se lance dans la cour des grands, il faut quand même un peu assurer un minimum. L’efficacité de ce genre de films dont les histoires sont aussi primaires, pour moi, ça ne repose essentiellement que sur la forme. Et quand la forme est à ce point bancale comme c’est le cas ici dans ce « Grave », pour moi la sympathie ne peut plus rien sauver… Ce film, je n'y ai pas cru un seul instant. Je l'ai trouvé ridicule et incohérent tout du long. A aucun moment je ne me suis senti plongé dedans.C’est un dur bilan certes, mais mais c’est aussi selon moi la dure loi du cinéma de genre...