Taylor Sheridan est l’auteur de ce qu’il aime appeler « la trilogie des frontières » avec « Sicario » et « Comancheria ». Ayant laissé la mise scène à d’autres réalisateurs sur les deux précédents films, il prend en main ce dernier « chapitre », « Wind River ».
Seconde réalisation pour cet acteur-scénariste-metteur en scène, après l’étrange, malsain et plutôt mauvais « Vile » (2011), Taylor Sheridan verse ici heureusement dans un autre registre (les deux films sont méconnaissables).
Ici encore le prétexte du thriller policier, superbement mené dans son classicisme (fin prévisible mais le propos est ailleurs), Taylor Sheridan maîtrise une certaine image figurative, certes parfois trop appuyée, mais joliment référencée. Il y a une portée symbolique tout au long du film afin de dénoncer le génocide amérindien, certains trouveront le trait forcé, trop appuyé, mais la composition du récit et sa captation sont efficaces. Les séquences « d’action » comme les moments plus intimes s’inscrivent dans un classicisme assez épuré afin de laisser plus de place à un constat culturel et historique de l’Amérique actuelle. En dénote cette séquence de fin, très bien écrite, où quand le spectateur trop habitué à un dernier twist final pour le genre, n’a qu’à se laisser porter par le sous-texte principal du film.
Jeremy Renner, rugueux et froid comme les roches du Wyoming y trouve probablement son plus beau rôle à ce jour, ne surjouant jamais dans un rôle difficile, et parfois interprété avec beaucoup trop de stéréotypes. Idem versant mise en scène quand Sheridan tente d’éviter tous les poncifs du genre (scènes d’action pour/à « gogo », effets « pyro-épileptiques »), les rares séquences de fusillades du film font note d’une tension palpitante. Quant aux personnages, ils sont tous traités avec une certaine subtilité, faite de nombreux petits détails dans leur jeu, comme dans la direction d’acteurs, jusqu’à de simples incursions extérieures qui complètent le tout ; habitudes de vie, vêtements, objets du décor nous en apprennent beaucoup plus qu’il n’y apparaît.
En outre, les nappes sonores de Nick Cave et Warren Ellis (déjà à l’œuvre sur « Comancheria », également écrit par Sheridan) sont là pour parfaire l’ambiance et le décorum glacial, blanc et désolé des décors enneigés et de l’ambiance du film.
Avec « Wind River » Taylor Sheridan prouve qu’il peut être un intéressant metteur en scène qui sous un aspect premier assez léger, cache avec subtilité une évidence de talent dans sa mise en scène faite de détails minutieux, d’une maîtrise cohérente du sujet qu’il traite orné d’un art du découpage judicieux.
Quand plane au-delà de tout cela (comme dans « Comancheria ») la note d’une Amérique oubliée, d’une Histoire non assumée, le résultat est là, fait de la conjugaison de multiples détails. Si « Wind River » s’avère être le moins bon de la trilogie, il s’en dégage une force et un aspect dramatique totalement maîtrisé qu’on ne retrouvait pas dans « Sicario » par exemple.
A mi-parcours 2017, difficile d'être affirmatif mais « Wind River » pourrait avoir une place dans notre Top 10 de fin d'année.