C’est peu dire que j’attendais énormément de ce "Rock’n Roll". Dans le paysage actuel de la comédie française, ils sont rares les films au pitch aussi ambitieux dans leur propos, à savoir faire de l’autodérision et de l’humour méta sur le cinéma français… soit un genre qu’on croyait exclusivement réservé aux Américains ! Est-ce son expérience hollywoodienne qui a décomplexé Guillaume Canet ? Difficile à dire mais le projet avait une sacrée gueule sur le papier… à plus forte raison au vu du casting quatre étoiles qu’il s’est offert et des idées de génie entraperçues dans la bande-annonce. Malheureusement pour lui, Guillaume Canet n’est pas américain et il confirme que, malgré ses goûts et ses influences très US, son style est, au contraire, très très très français... ce qui n’est pas forcément un compliment. En effet, si sa mise en scène apportait une vraie plus-value à un polar comme "Ne le dis à personne" (tant il lui permettait de se démarquer des autres productions de cet acabit), elle s’inscrit presque en contradiction avec son sujet dans "Rock’n Roll". Le film manque, ainsi, de cette qualité essentielle qu’est le rythme… et, plus précisément, le rythme comique. Il faut dire que, outre la lenteur dont il aime affubler ses films, le réalisateur a décidé (de façon un peu incompréhensible) de flinguer toute idée d’effet de surprise en balançant, dans le générique de début, le nom de l’intégralité des célébrités apparaissant… ce qui laisse peu de place au suspens de ce point de vue. Il faut dire que la bande-annonce était déjà bien "spoliante", ce qui est encore plus incompréhensible ! Canet semble peu intéressé à l'idée de surprendre son public autrement que par le malaise... au point de flinguer un bon nombre d'effets comiques. Le film est, pourtant, riche en bonnes idées, de l
a préparation de Marion Cotillard pour son rôle dans la prochaine Xavier Dolan (ou comment réussir à enfin faire rire sans être lourdingue avec l’accent québécois)
à l’apparition hilarante
d’un Johnny Hallyday en dernière icône rock surveillé par une Laetitia castratrice
, en passant par l’intronisation de Gilles Lellouche en
fantasme sexuel des jeunes actrices
ou, encore, la création des
"Frères Attal" (Alain et Yvan, pourtant sans lien de famille) comme producteurs
. Mais ces idées ont, parfois, du mal à exister au-delà de leur concept et, surtout, sont bouffées par le malaise ambiant voulu par Canet. Car l’acteur-réalisateur a décidé de nous faire part de sa crise de la quarantaine en évoquant, sous l’angle de l’autodérision donc, le temps qui passe, la nouvelle génération qui pousse, la gloire passée… mais en oubliant que le grand public (voire même les cinéphiles plus avertis) ne partage pas forcément son constat concernant sa propre personne. Canet, acteur ringard ? Je n’ai pas l’impression que ce soit l’impression ambiante. S’il frappe juste par moment (son image pas forcément très délurée, sa passion pour l’équitation pas forcément fun…), il me paraît, la plupart du temps, surestimer sa notoriété… au point qu’on peut s’interroger sur la pertinence de s’être mis lui-même en scène pour un tel sujet. Paradoxalement, Marion Cotillard (qui n’a que le second rôle) parait bien plus évidente avec ses prestations à Oscars et sa carrière internationale. On aurait pu imaginer un Jean Dujardin également… Et, si Canet voulait à tout prix jouer ce rôle, peut être aurait-il dû, alors, se mettre plus en danger en frôlant davantage avec la ligne jaune plutôt que de faire dans l’outrance (et,ainsi, laissé entendre qu’il n’est pas comme ça dans la vraie vie). Les scènes où il est odieux avec ses partenaires et ses proches et, plus encore, le délire (poussé très loin) sur son évolution physique m’ont empêché de trouver le film totalement sincère. En cela, "Rock’n Roll" souffre des mêmes défauts que "Les petits mouchoirs", qui était bourré de qualité et d’énergie mais qui transpirait la complainte et le malheur de son auteur (Canet s’étant inspiré d’une mésaventure lui étant arrivée). "Rock’n Roll" reste, pour autant, une intéressante tentative de faire des comédies différentes et ne manquera pas de faire rire par moments. Et puis, vous n’écouterez plus jamais Demis Roussos de la même manière…