Rock’n Roll offre au couple formé par Guillaume Canet et Marion Cotillard une thérapie conjugale détonante et audacieuse, à l’instar de celle conçue pour Elizabeth Taylor et Richard Burton dans Who’s Afraid of Virginia Woolf ? (Mike Nichols, 1966), qui interroge la monstruosité du comédien et met son identité à l’épreuve de la notoriété et du temps qui passe. C’est d’ailleurs dans cet entrelacs entre l’acteur vieillissant et son image, miroir déformant qui à la fois anticipe une maturité à venir et révèle une passation de flambeau, que réside l’essence même du long métrage : les rôles proposés, non plus de jeunes premiers mais de pères voire de grands-pères, constituent autant de fonctions à remplir par celui qui, tous les soirs, rentre à la même heure, fait du cheval, ménage sa vie de famille et son entourage, sans excès. Le cinéma devient alors l’élément déclencheur de la crise et son remède ; il permet au personnage perdu dans un art qu’il ne comprend plus de regagner en vitalité et de s’épanouir.
Aussi la qualité principale du scénario réside-t-elle dans le refus de juger Guillaume, là où n’importe quelle production française lambda aurait condamner l’écart de conduite et célébrer, à terme, le retour à la norme. L’équilibre retrouvé n’est ici possible que par l’acceptation de la famille, non par un recul du protagoniste principal qui conduit sa mutation jusqu’au bout : de pathétique, il devient sublime telle une créature romantique qui, en se défigurant, transcende sa condition et accède non à la gloire mais à sa gloire, à son moment de gloire, de l’autre côté du globe. Le film veille d’ailleurs à redistribuer cette monstruosité à Marion, tout aussi terrifiante en Québécoise acharnée ou en femme bègue et boiteuse. Dit autrement, Rock’n Roll représente la reconquête d’un homme jusqu’alors égaré dans des reflets qui ne lui correspondaient plus.
Derrière la caméra, Guillaume Canet s’amuse beaucoup tout en témoignant d’une maîtrise satisfaisante de la mise en scène : les deux plans-séquences se répondent intelligemment, les clips oniriques et recours à la chanson populaire française régalent, les répliques font mouche. Une réussite !