Avis sur Berceuse pour un sombre mystère

Si Pierre Rissient fit découvrir le cinéma Philippin aux cinéphiles français dès la fin des années 70, avec la découverte des filmographie de Lino Brocka et de celle de Mike De Léon, c'est aujourd'hui celles de Brillante Mendoza et de Lav Diaz qui ont repris le flambeau laissé par leur prédécesseurs.

La filmographie de Lav Diaz ( lion d'or à Venise en 2016 avec " la femme qui est partie") est connue, pour sa qualité ( certains commentateurs le considèrent comme un des cinéastes majeurs actuels) et pour la longueur de ses opus.

C'est ainsi l'exemple de ce " Berceuse sur un air de mystère" présenté et primé au festival de Berlin qui s'articule en trois parties d'une durée totale de huit heures.

Le film est une sorte d'hommage et de retour sur un moment historique de l'archipel Philippin, celui des luttes pour arracher son indépendance au pouvoir de l'Espagne à la fin du XIXe siècle.

Filmé en noir et blanc, la vision de " berceuse..." nécessite quelques rappels pour profiter du spectacle intimiste proposé par le metteur en scène.

Le film commence au moment où le père spirituel du mouvement de libération, le poète José Tizal ( il fera d'ailleurs un passage à Paris) est fusillé par les espagnols.

Le mouvement de libération Philippin le " Kapitunan" connaîtra aussi en son sein des luttes intestines qui se traduiront par le meurtre de son leader principal Andrés Bonifacio par un de ses alliés puis opposant Emilio Aguinaldo. Le film se déroule à ce moment.

Il s'attarde aussi sur des figures légendaires du folklore philippin comme celle de Bernardo Carpio et de celle du Tikbalang, monstre à corps d'homme et figure de cheval, ici incarné par un acteur à visage humain qui de temps à autres imite le comportement de cet animal.

Diaz utilise comme à son habitude la forme du plan séquence afin de se rapprocher le plus possible de la réalité.

"Berceuse..." présente son meilleur profil dans la première et la seconde partie ( la troisième est sans doute moins accomplie ) et révèle au spectateur occidental une nouvelle déclinaison du processus révolutionnaire.

C'est très violent et cela révèle les tréfonds de l'âme humaine, loin d'être reluisante. Compte tenu de sa durée, le format DVD est sans doute le moyen le plus approprié pour visionner "Berceuse..." de façon confortable.

Il faut reconnaître aussi que ce cinéma s'adresse aux spectateurs motivés, qui veulent découvrir un des aspects de la fin de l'empire colonial espagnol ( à la même époque, il fait face à un autre mouvement d'émancipation à Cuba)

C'est au travers de dialogues entre les personnages, que le spectateur sera informé des principaux développements de cette période, au cours de scènes d'aspect théâtral.