Divines a obtenu la Caméra d'or (récompense pour un premier film) au 69e Festival de Cannes.
Ce sont les émeutes qui ont eu lieu dans la banlieue de Paris en 2005 qui ont inspiré Houda Benyamina à réaliser Divines. "Mon besoin de créer vient toujours d’un sentiment d’injustice", explique-t-elle. "J’ai raisonné mes proches, mais j’avais moi aussi envie de sortir et de tout défoncer. Je me suis ensuite demandée pourquoi cette colère n’avait pas abouti à une véritable révolte". Le film n'est pas pour autant une autre forme de révolte : "C’est un constat".
Le personnage principal, Dounia, est interprété par la petite soeur de la réalisatrice, Oulaya Amamra. La jeune actrice n'est toutefois pas là par hasard, comme tient à le rappeler Houda Benyamina : "Je la forme dans mes ateliers théâtre depuis qu’elle a 12 ans, tout comme Jisca Kalvanda, qui joue Rebecca. J’ai mis très longtemps à considérer Oulaya pour le rôle, même si c’était une évidence dès le début pour Pierre-François Créancier, le directeur de casting". Choisir sa petite soeur n'était pas forcément chose aisée pour un tel rôle : "j’allais demander à l’actrice des choses extrêmement compliquées, et je craignais que cela n’abîme notre relation. Oulaya a bataillé comme une dingue pour me convaincre du contraire, en participant à tous les ateliers d’audition en tant que réplique. Elle s’est même fait virer de son lycée catholique, a arrêté la danse classique pour se mettre à la boxe ! Elle a fini par s’imposer".
Houda Benyamina avait en tête le fameux duo formé par Laurel et Hardy pour le duo féminin de Divines, composé de Dounia et Maimouna, "dans le paradoxe des corps, avec la petite gringalette qui rêve de puissance et la plus imposante qui n’est que douceur", se souvient la réalisatrice. "Pour Maimouna, j’avais envie d’une nana forte avec des formes à l’écran ! Quand j’ai vu les premiers essais de Déborah, j’ai pleuré. Je savais que c’était elle, mais je voulais tester son endurance et son engagement. Je l’ai ainsi préparée pendant neuf mois pour le rôle, sans lui dire qu’elle l’avait. C’était dur, mais elle n’a pas lâché".
Le film devait initialement s'appeler Bâtarde, du surnom donné à Dounia par son entourage. La réalisatrice lui a ensuite préféré Divines : "nommer le film ainsi aurait été réducteur, en un sens cela aurait donné raison aux détracteurs du personnage. Je veux qu’on dise des filles sur l’affiche, une noire et une arabe, qu’elles sont divines, pas des bâtardes. La thématique principale est plus large qu’une histoire de deal et d’identité, c’est effectivement le sens qu’on donne au sacré", explique-t-elle.
Houda Benyamina accordait une énorme importance à son scénario, qu'elle a peaufiné pendant trois ans. "Sur les conseils de mon producteur Marc-Benoît Créancier, j’ai rencontré Romain Compingt. J’avais le cœur du projet, il a apporté la science précise pour l’incarner, et je le considère comme le véritable scénariste du film. Il a su s’approprier mes thèmes, les lier à la narration, et travailler l’universalité de mon histoire", affirme-t-elle. Un vrai binôme s'est formé et est intervenu sur toutes les étapes du film ; la fin a été aboutie pendant le tournage et certaines réécritures ont même eu lieu dans la salle de montage.
Le personnage du dealer devait à l'origine être un homme et non une femme. C'est une vraie rencontre qui a fait changer d'avis Houda Benyamina : "Pendant mes recherches, j’ai rencontré Habiba, une dealeuse, et j’ai découvert que le caïd était une meuf ! Habiba est quelqu’un d’extraordinaire, d’une autorité fascinante, et je me suis beaucoup inspirée d’elle pour Rebecca", se souvient la cinéaste.
C'est après avoir vu Populaire, de Régis Roinsard, qu'Houda Benyamina a contacté le scénariste Romain Compingt. "(Le film) n’a a priori rien à voir avec l’univers d’Houda. Mais elle a voulu me rencontrer parce qu’elle a perçu dans le film une sensibilité qui lui a parlé ; elle était sûre que c’était la mienne. Cela m’a beaucoup intrigué", se souvient-il. Si ce dernier ne se sentait pas légitime à parler de la banlieue qu'il ne connaissait pas, la cinéaste l'a vite rassuré : "Mais l’amour et l’amitié, tu connais, non ?!".
Romain Compingt a connu quelques difficultés lors de l'écriture du scénario, comme l'écriture de quatre destins qu'il fallait habilement imbriquer. Les dialogues n"étaient pas non plus une mince affaire : "On a pris pas mal de fous rires avec Houda quand elle a découvert mes premières propositions. Elle me disait "Mais attends, y a que chez toi qu’on parle comme ça !" Elle m’a poussé vers quelque chose de plus radical".