« Divines » est un film coup de poing, ce n’est pas un véritable choc dans la figure, mais il bouscule et préoccupe bien l’esprit. Pourtant rien de nouveau sous le ciel désenchanté des cités de la région parisienne. Je ne trouve aucun cliché car non seulement la vie est remplie de clichés mais pour fréquenter des élèves dans un collège difficile, dans un quartier difficile, je peux assurer que les comportements vus dans ce film correspondent bien à une réalité. Quand je dis rien de nouveau, nous avons encore une fois affaire à des personnages fracassés, largués, livrés à eux-mêmes, sans repère familial, en perte d’éducation, d’instruction, plongés dans une jungle en béton, d’argent sale, de combines et de rêves ou d’espoir aussi épais qu’une feuille de papier cigarette. Ici, Dounia, beurette, petit bout de femme au caractère bien trempé, livrée à elle-même, victime d’une mère qui semble avoir démissionné et son amie Maimouna, black, grande et ronde, qui semble bien cadrée par ses parents vont servir une dealeuse, Rebecca, un modèle de réussite aux yeux de Dounia. Houda Benyamina nous propose un parcours balisé et pour le coup "cliché" : présentation, preuves à faire et réussies pour gagner la confiance, argent qui comble les désirs et la chute. Et quelle chute, sorte de jugement de Dieu ! Dieu, qui à un moment donné du récit, est évoqué par le père de Maimouna et lors d’une conversation nocturne entre Dounia et son amie. La scène finale, Dounia porte son visage vers le ciel et demande « pardon ». Pardon à la société, à la famille de Maimouna, à sa mère évidemment, mais aussi à Dieu dont elle a remis (ou osé remettre) en question son existence. Et cette scène finale pose nécessairement question. Qui de l’oeuf ou la poule est venu en premier ? Qui de la police ou les habitants des cités banlieusardes a commencé ? Que l’on caillasse la police peut se comprendre, mais caillasser les pompiers est difficilement acceptable. Les pompiers ne sont pas des policiers. Seulement pour quelques énergumènes, c’est une des représentations de l’Etat. Des quartiers qui sont devenus pour certains des zones de non droits. Par leur faute, non seulement ils décrédibilisent ces quartiers mais leurs méfaits mettent tous les habitants dans le même sac ! Autrement comment s’étonner de l’immobilisme des pompiers dans cette séquence ? Elle fait froid dans le dos. Dounia ne s’est pas contentée de passer par la voie illégale pour gagner de l’argent facile « money, money, money », elle est une des figures qui ont provoqué cette situation tragique. N’a-t-elle pas mis le feu à une voiture ? Ensuite provoqué la police ? Par son action, attisée la colère des jeunes qui en ont profité sans savoir vraiment le pourquoi de son acte ? Seulement les faits sont là : un quartier d’une cité qui s’enflamme et avec elle les préjugés qui vont avec. La force de ce film, c’est l’objectivité de la réalisatrice qui ni n’encense ni ne condamne ses personnages. Ils sont comme ils sont et seule la société se chargera de punir leurs actes. La société ou Dieu ? Ce film repose sur l’interprétation impressionnante de Oulaya Amamra, elle est presque de tous les plans ; Houda Benyamina, sa grande soeur se révèle être une bonne directrice d’acteurs puisque les deux «Divines » ont été récompensées aux Cesar. Autre tour de force, Dounia et Maimouna sont sympathiques et il y a des moments de grâce comme ce rêve dans une Ferrari et à travers Djigui, ce danseur qui veut s’en sortir par son talent d’artiste danseur. Oui, on nous dit en substance qu’il y a aussi une voie dans cette société des cités pour s’en sortir légalement : l’art.