Divines ou Bâtardes, le titre a été choisi très tard, juste avant Cannes. C’est dire la schizophrénie du film. Longtemps, il nous montre son héroïne Dounia marquée par ses pauvres et dures origines sociales. C’est une fille si pleine de vie, de rêves et « de clitoris » que tout pourrait lui être excusé : son inextinguible désir d’argent, sa violence, ses vilains trafics, ses mensonges et ses vols, ses fantasmes limités à Ferrari et à Reebok. Même si c’est difficile à faire au cinéma, se conformant à l’invitation de la réalisatrice Houda Benyamina, on ferme les yeux, affectueusement : c’est la société libérale la grande responsable. A bas les pompiers !...
Et puis les escapades adolescentes tournent très mal. Il y a le feu à leur vie et il faut fissa appeler le 18. Pimpon, pimpon, la Divine nous est soudain présentée en fripouille qui a tout détruit autour d’elle, la bâtarde. Le film a-t-il voulu poser la question de l’incontournable moralité, quels que soient les mobiles des dérives ? Certaines facilités (misérabilisme de bidonville, plans hémoglob-haineux, scènes resucées de deals…etc) font douter d’une telle intention éthico-philosophique. Tout au long du film, la réalisatrice semble tendrement couvrir les exactions de son héroïne –allant donc jusqu’à la qualifier de Divine– et soudain réaliser, en bonne mère, que de tels dérapages sont périlleux, indéfendables et qu’il faut sermonner durement sa Dounia. L’empathie généreuse envers elle en prend un sacré coup, et notre héroïne se voit finalement condamnée grave par Houda Benyamina, sa génitrice. Les laxistes finissent souvent en pires réprobateurs. Voilà donc la fondamentale contradiction (peut-être propre à l’auteure) qui enlève selon moi toute cohérence au propos du film.
Il y a deux autres écueils dans le film :
D’abord, quelle image ressassée des banlieues ! Comme si l’activité principale des jeunes y étaient le vol, le trafic, la violence. Comme si les cailleras n’y étaient pas en réalité très minoritaires. À voir certaines séquences genre dark thriller du 9-3, on pourrait croire en leur propos et conclure qu’au-delà des périphs, tout l’espace est à nettoyer au Karcher, ou bien à purifier avec force Coran et Missel… Enfin, ce n’est pas parce que c’est ici une jolie beurette qui part violemment à la conquête d’un maximum de fric qu’il nous faudrait, cette fois, trouver l’activité sympathique : prenons garde à la discrimination pratiquée à l’envers…
Pourtant le film a de belles qualités : des actrices qui percent l’écran, des dialogues pétillants et savoureux, de l’énergie à revendre, certaines scènes poignantes… Et voilà le spectateur attendri... Que cette Damia et sa copine Maimouna sont attachantes, malgré tout.