Tamara déboule sur les écrans et n’a pas ses atouts en poche
Une adaptation au cinéma d’une BD? Ça fait peur. Et à raison, tant on ne peut pas dire que les derniers exemples en date (Les Profs, Boule et Bill, Les Schtroumpfs…) se soient vraiment montrés à la hauteur. Et alors que Tamara lance une nouvelle salve (arriveront bientôt Boule et Bill 2, Polina, Valérian, Seuls), nous avons découvert le film qui nous a donné quelques sueurs il y a quelques semaines. Nous craignions le pire et nous avions tort. Adapté de la bande dessinée de Zidrou et Darasse, Tamara d’Alexandre Castagnetti est un bon divertissement sans prétention mais qui voit plus loin que la séduction d’un large public avec des acteurs jeunes mais bankables. Les acteurs excellent tout en spontanéité, le sujet est contemporain et l’ensemble ne se perd jamais en vannes idiotes et gratuites.
Tamara, couchée sur les planches ou sur l’écran, vous la connaissez bien. Du haut de ses quinze ans, titulaire de vingt ou trente kilos en trop, tout au plus, la jeune fille entend pourtant bien vivre une vie normale. Mais, entre les moqueries de ses « camarades » de classe, un amour naissant et forcément condamné (elle, trouver un copain? Non mais, allo quoi, les contes de fées, ce n’est pas la réalité!) et une mère intrusive, l’insouciance a vite fait de s’évanouir sous une tonne de complexes.
Heureusement, sa petite soeur Yoli a tôt fait de venir lui faire un gros câlin pour chasser tous les doutes… momentanément. Mais si le bonheur était durable? Et dans les yeux de Chilien craquant qu’est Diego, Tamara a bien envie d’y croire. Contre vents et marées et malgré tous les coups bas que ses comparses jalouses sont bien décidées à mettre sur son chemin.
C’est vrai, on avait crié au scandale en apercevant pour la première fois l’affiche du film d’Alexandre Castagnetti où les acteurs ne correspondaient pas des masses à l’idée qu’on se faisait des personnages de la BD de Darasse et Zidrou. Un Diégo qui prenait des origines algériennes et, surtout, une Tamara incarnée par une fille sans gros complexe de taille qui avait dû prendre 12 kilos pour le coup. On n’en démord pas, c’est un non-sens et un contre-sens que de prétendre faire un film positif et allant contre le harcèlement et la « grossophobie » tout en la banalisant (et la renforçant en photoshopant l’affiche) un peu plus au moment du casting. Fin de la parenthèse avant-séance. Et loin de nous d’être de mauvaise foi, de laisser prendre aux marketeurs inconscients le pas sur les qualités indéniables du film et de tailler un costard à ces acteurs (qui n’en peuvent rien) et de prétendant qu’ils ne font pas le poids.
Séance de cinéma tenante, c’est d’ailleurs tout le contraire, et, dans Tamara, chaque acteur fait son lot d’étincelles. Héloïse Martin et le tout « miam mioum » Rayane Bensetti se débrouillent mieux que bien et assurent leurs partitions sur le fil de l’amour improbable. D’une part, celle d’une fille mal dans sa peau mais nuancée, prêtant le flanc à la démotivation mais avec un caractère tempétueux à faire pâlir les plus terrifiants volcans.
D’autre part, celle d’un cancre beau gosse et roi des cours de matte. Pour les soutenir dans leur aventure commune (on regrettera que le film, par exigence spectatoriale?, les invite très vite à faire le premier pas, là où dans la BD il a fallu bien des albums), c’est un casting tonitruant qui a été réuni. Et quitte à faire dans le girl power, la pépite de Divines (dont on vous parlera incessamment sous peu) Oulaya Amamra incarne la meilleure amie Jelilah, pas moins orientée sur la chose, de Tamara; tandis que la tout mignonne Ina Castagnetti donne toute sa tendresse et sa naïveté à cette chipie de Yoli, la soeur de Tamara. On craque tant ces deux seconds-rôles de luxe crèvent l’écran.
Mais elles ne sont pas les seules, Sylvie Testud en maman « facho » (et impressionnante dans sa relecture du « Cri » de Munch), Cyril Gueï en beau-père bohème, Bruno Salomone et sa moue de père qui ne pense qu’à lui et un réservoir de jeunes talents: Lou Gala en peste qu’on aime maudire et Jimmy Labeeu en Wagner, splendide en loser maléfique et magnifique. Et alors qu’on se souvient des cabotinages de certains acteurs dans le Grimoire d’Arkandias (par ailleurs, assez plaisant), le premier film d’Alexandre Castagnetti, le réalisateur réussit à canaliser mais aussi à harmoniser l’énergie féroce de ces joyeux drills. Ce qui ne fait que servir la justesse de cette comédie. La sobriété est de rigueur (sauf, peut-être, dans cette scène « OVNIEsque » et intersidérante de rapprochement entre Diégo et Tamara), et c’est rare.
Comédie? Attendez voir… Tamara tient finalement plus, par moments, du drame que de la comédie. Un drame d’ados perdus dans la cour de récré d’un monstre insidieux qui les dépasse: le harcèlement. Laissant moralisation et pathos faire leurs affaires dans d’autres films plus plombant, Tamara reste un film léger qui, on l’espère, saura aussi remplir son quota de sensibilisation malgré un happy end forcément attendu. Équilibré entre rire et sérieux, cette (première?) adaptation reste pourtant assez sage et ne retrouve pas la folie des gags imaginés par Zidrou et Christian Darasse.
Pas de quoi bouder son plaisir, pour autant. Bien dans son époque, rafraîchissant et rondement bien mené (et bien plus loin que dans son sous-titre « La revanche d’une ronde »), Tamara nous surprend à offrir tout ce que l’on est en droit d’attendre de l’adaptation d’une BD franco-belge au cinéma sans pour autant ménager l’aspect cinématographique. Et ça, après quelques années de disette, ça met du baume au cœur. Sans être un immense film, Tamara fait le boulot et n’a pas à rougir. D’autant que son succès, au vu des nuées de fans de Rayane Bensetti et de la promo d’enfer (un véritable ta-marathon) menée, est sans aucun doute déjà garanti.