Il n’est pas évident de faire la critique de « Cigarettes et chocolat chaud » parce qu’on a envie d’en dire beaucoup de bien, même si au final on sait que ce petit film sans prétention ne casse pas trois pattes à un canard et ne laissera pas un souvenir impérissable. Le principal atout de ce film, c’est son casting. Gustave Kerven, dans un rôle pas très différent de ce qu’il a l’ahibitude de faire, tient très bien le rôle de ce père dépassé, écrasé par ses responsabilités et qui se réfugie, avec ses gamines, dans une insouciance qui les met en danger. Sans en faire des tonnes, il donne corps à un père fou d’amour pour ses filles mais qui n’a jamais pu faire le deuil de sa femme. Camille Cottin, en éducatrice pleine de principe, est drôle et touchante et elle incarne une assistante sociale armée de pure théorie en matière d’éducation, donc… complètement désarmée. Les filles Héloïse Dugas et Fanie Zanini, même si elles en font beaucoup pour occuper l’espace et (sur)jouer l’hyperactivité, sont charmantes et, c’est le moins qu’on puisse dire, pleine d’energie et de naïveté. Elles aussi, comme Gustave Kerven, font passer l’émotion du deuil sans en faire des caisses. Les seconds rôles, un peu en retrait, sont néanmoins bien tenus même si on aurait aimé qu’ils soient un peu plus écrits, notamment celui de Franck Gastambide que j’avais trouvé épatant dans « Good Luck Algéria » et que je retrouve ici, en attendant de le voir dans un vrai premier rôle un jour, c’est tout le mal que je lui souhaite. La réalisation est assez sobre, académique avec quelques petites trouvailles comme l’introduction de petits dessins par moment, mais rien de bien révolutionnaire de la part de Sophie Reine. Reste un scénario plein de pudeur, qui traite avec une certaine subtilité le sujet du deuil et du déni et mais ne fait pas dans la subtilité pour ce qui est des autres sujets. On ne croit pas à tout, le laisser-aller incroyable dans lequel vivent les filles, leur sens des (ir)responsabilités, le fait que la situation ait pu perdurer depuis des années sans que les services sociaux ne viennent mettre son nez dans ses affaires, tout n’est pas hyper crédible et le trait est bien forcé par moment, comédie oblige. En revanche, je ne sais pas quoi penser du traitement du syndrome « Gilles de la Tourette » dont l’ainée est atteinte : est ce la triste réalité ? Est-ce un peu surjoué ? Est-ce carrément exagéré ? Je ne sais pas, alors dans le doute, je ne porte pas de jugement là-dessus. Je me demande juste s’il était vraiment utile de rajouter cette maladie aux problèmes de la famille Patar, le scénario n’avait pas besoin de ça pour fonctionner. En fait, c’est le principal problème de ce film, il part d’un bon sentiment, mais au bout d’un moment on sent qu’il est en roue libre et qu’il a bien du mal à ne pas partir dans tous les sens. Le sujet central (le deuil et le déni qui l’accompagne et qui est à la source de tout) n’arrive que tardivement, alors que tout le monde dans la salle à compris depuis le premier quart d’heure que c’est le nœud du problème. Le reste (les difficultés économiques, les problèmes de discipline, la maladie de Janis) ne sont que des symptomes et les traiter sans traiter la maladie ne résoud rien. Et puis, le scénario n’évite pas vraiment les poncifs :
l’assistante sociale est une solitaire sans enfants, une idylle pourrait se nouer entre elle et Denis, la rivalité entre Janis et la jolie fille populaire de sa classe (ce qu’elle fait avec sa flute à bec me réconcilierait presque avec cet instrument de malheur !
), tout ça n’est pas neuf, pas original, assez convenu. Reste que « Cigarettes et chocolat chaud » réserve quelques francs éclats de rire, quelques larmes aussi, que le film ne traine pas (trop) en longueur même si il a tendance à s’éparpiller un tout petit peu. C’est un film qui ne plaira peut-être pas à tout le monde (certains le trouveront surement « affreusement bobo » !) mais ça, à mes yeux, ce serait plutôt une qualité supplémentaire !