Un peu avant La nuit a dévoré le monde, on avait discuté du sympathique Dans la brume, qui amenait déjà une replongée dans le cinéma de genre français. Sympathique petit film de divertissement, il permettait de suivre une alternative française à The Mist, en proposant également une petite réflexion sur les responsabilités liées à l'âge, et en inversant les rôles dans une conclusion certes abrupte, mais plutôt bien fichue.
La nuit a dévoré le monde se pose ainsi comme l'un des premiers films de genre et d'auteur français sorti depuis longtemps; arrivé un mois avant le film porté par Romain Duris, il se consacre quand à lui au mythe du zombie, qu'il fait évoluer dans les rues d'un Paris déserté, massacré, à fleur de peau, décors d'un huis-clos intéressant par sa propension à se montrer réaliste en terme de survie.
Loin de nous proposer des spectacles fantaisistes à l'américaine, il se contentera de rester sur l'aspect intimiste de la survie, sur son côté solitaire : va-et-vient d'un point à l'autre de l'immeuble, combats avortés par peur de les perdre (loin d'un Pitt dans World War Z, notre héros satisfait parce qu'il est enfin humain), attention portée sur de petits détails, de petits plaisirs, proches de notre quotidien et de ce qui pourrait possiblement nous rassurer/nous réconforter dans un tel monde.
Pendant toute sa première partie, le comportement du personnage paraît plutôt logique, jusqu'au moment de péter un plomb pour aller chercher un chat, quand il ne tente pas d'amadouer toute la population de zombie de Paris avec l'aide d'une batterie pour ado métalleux et d'un surjeu inconséquent (c'est un malaise intense que de suivre sa gueule forcer les expressions pour montrer qu'il mène une prestation "intense"). Et c'est à partir de ces moments que le film part un peu en vrille : en plein surjeu, il est à ce point culotté qu'il se permet d'aligner les facilités scénaristiques pour nous pondre le cliché qu'on savait possible sans vouloir le voir gâcher cette histoire de Robinson Crusoé.
L'arrivée de la femme dans l'univers de cet homme seul gâche ce que le film pouvait apporter de neuf; une fois passé la surprise, l'organisation et la routine, il paraissait intéressant de choisir un autre objet qu'une figure de désir (à la destinée complètement inutile) pour inventer, apporter du neuf au genre. Parce qu'au final, le film prend des airs de Je suis une légende, en moins bon parce qu'il ne bénéficie pas de la bonne intrigue du livre Richard Matheson.
Stéréotype sur stéréotype, romance mal filmée, mal amenée, dialogues mal menés, ce film, qui surprenait au départ par son réalisme, son talent, sa mise en scène tendue, s'enferme dans une amourette à deux balles que n'aurait pas renié un certain Warm Bodies, l'amour inter-espèce en moins. C'est à partir de ce moment qu'on le suit d'un oeil finalement désintéressé, à moitié déçu de ce potentiel gâché heureusement rattrapé par toute sa première heure, efficace et logique, bien plus prenante que ces trente dernières minutes bouclées de manière bâclée, avec notre héros qui se prend un mur en volant.
Je ne sais pas s'il est à voir, mais il est sûr qu'il ne peut être considéré comme le retour du cinéma de genre en France. Un bon essai, raté du fait de son manque d'ambition.