Dire à Jacques Doillon - l'esthète du cinéma d'auteur français- qu'il a réalisé un biopic académique c'est prendre le risque de se faire transformer en pâté de foie.....
Pourtant, c'est bien l'impression qui se dégage de ce film, succession de petits morceaux de vie. Pour les gens de province qui n'ont pas eu la chance ou l'occasion de visiter le musée Rodin, ou l'expo-fleuve du Grand Palais, ils retrouveront tout: le plâtre omniprésent, les assistants, les bacs ou Rodin entasse mains, pieds, qu'il remontera peut être ailleurs pour faire un composite; les statues en multiples exemplaires; Rodin se défendant contre l'accusation d'avoir, avec l'Âge d'Airain, réalisé un moulage; Rodin présentant comme parfaitement achevée une statue sans bras; Rodin réalisant la Porte de l'Enfer et y revenant sans cesse; Rodin luttant avec son Balzac..... et les béotiens; et même Rodin se remémorant le temps où il faisait de la peinture; et même Rodin peignant ses aquarelles érotiques, face à deux mignonnes prenant les poses les plus bizarroïdes. Tout, vous dis je! Une encyclopédie!
Et à part cela? Eh bien, on dirait que Doillon n'a eu qu'une obsession: prendre le contrepied de Bruno Nuyten dans Camille Claudel. Alors, avoir confié le rôle de Camille à la gironde Izia Higelin, si terrestre, si prosaïque, un peu saute-au-paf, en tous cas très entreprenante, c'est pire qu'une erreur de casting: c'est une faute professionnelle! Ce qui n'enlève rien aux qualités d'actrice d'Izia, d'ailleurs; elle est juste pas à sa place.
Quant à Vincent Lindon, il habite le rôle, comme il habite tous les rôles. Face à Gérard Depardieu, grosse nature, forte personnalité, un peu trop balzacien peut être, ou un peu trop depardiesque, tout simplement....il est un Rodin plus renfermé, plus secret, fils du peuple voulant être avant tout un bon artisan; c'est une composition très intéressante.
Mais il serait peut être temps qu'on lui dise quelque chose. La diction, ça n'a jamais été son fort. Avec l'âge, ça ne s'arrange pas. Izia : kiff-kiff. Moi je croyais que depuis que le cinéma était devenu parlant, les dialogues, ça comptait? Un bon conseil : si vous voulez comprendre quelque chose, allez dans une salle en Allemagne ou en Italie: vous pourrez lire les sous titres.
Rose Beuret, la modèle des premiers temps, la compagne éternelle épousée quelques semaines avant sa mort, c'est Severine Caneele qui eut une brève heure de gloire chez Dumont; on se demande, si Rose était aussi moche et revêche, pourquoi Rodin aurait il gardé pour elle un tel attachement? Parce que, comme lui, elle venait du peuple et le reposait de tous ces bourgeois -Monet, Mirbeau..... qu'il était amené à fréquenter? En tous cas, les relations entre Rodin et Rose font certainement partie des moments les plus intéressants du film.
Bref un beau film, incontestablement, très didactique, où on s'ennuie un peu, à vivement recommander donc à tous les provinciaux mais, globalement, une déception