C'est surtout pour Lindon que je mets la moyenne à ce film un peu laborieusement didactique : certes, l'asservissement à son art d'un créateur de génie, la solitude affective dans laquelle il s'enferme (peut-être à force de s'appuyer trop prioritairement sur deux de ses sens pour appréhender le monde et ses semblables), son égotisme un peu naïf et bonasse, son caractère avant-gardiste et sa place dans le microcosme artistique et culturel de la fin du 19°, son ambiguïté même dans la mesure où il veut un statut social en même temps qu'il revendique sa sincérité, tout cela transparaît grâce à la prestation de Lindon, toujours aussi physique, animal, taiseux et investi. Il a de l'allure et réussit à me convaincre en Rodin, mais je dois dire que je m'attendais à vibrer plus, à entrer en émotion, après l'avoir écouté lors de ses prestations de promo sur les médias. Face à lui, I.Higelin incarne Camille Claudel dans un portrait à charge, mais elle peine à crever l'écran autant qu'Adjani a pu le faire dans le rôle du même personnage, plus de deux décennies avant elle. C'est pour moi incontournable, on s'en doute, de comparer ma réaction aux deux visions, presque symétriquement contraires, qu'ont cherché à creuser d'une part Jacques Doillon (aujourd'hui), avec son Rodin/Lindon en mettant l'accent sur l'oeuvre du maître, et d'autre part Bruno Nuytten (au siècle dernier -1986 !), avec sa Camille Claudel/Adjani en focalisant sur l'élève : grâce à Lindon, aujourd'hui j'ai été intéressé par "Rodin", alors que "Camille Claudel", grâce à Adjani il y a un bail, m'avait impressionné, sinon bouleversé. Selon moi donc, ce film n'est pas ennuyeux, il est même esthétique pour les spectateurs sensibles aux arts plastiques. Pour les autres, j'ai des doutes...